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Homélie pour le 29e dimanche TO, année B
Isaïe 53,10-11 / Psaume 32 / Hébreux 4,14-16 / Marc 10,35-45
> Une homélie n’est faite ni pour être lue ni pour être vue en vidéo, c’est un exercice oral. Vivez l’expérience pleinement en l’ECOUTANT :
Chers Amis,
J’ai une question pour vous… Quand on vous dit « Jésus reviendra », qui attendez-vous ?
Ah oui, je sais, vous allez me dire : « La réponse est dans la question, hein… ! C’est Jésus ! »
D’accord. Mais quelle sorte de Jésus attendez-vous ? Celui qui change l’eau en vin ? Celui qui est crucifié sur la croix ? Celui qui est couronné d’épines ou celui qui est sur la montagne, brillant de gloire ? Quel Jésus attendez-vous ?
Je crois qu’on est parfois un peu dans l’attente d’un Sauveur un brin magique… On attend des grands signes dans le ciel pour l’Apocalypse ! On attend un Sauveur… Bon, pas avec une cape rouge et bleue, comme Superman, d’accord. Mais un Sauveur, un vrai. Un qui connaisse tous nos problèmes et qui les résolve… genre… un membre de la Constituante, par exemple.
Un grand personnage, comme ceux dont nous voyons les photos dans nos boîtes-aux-lettres, ces jours.
Un homme au regard perçant – ou une femme, hein, ne me faites pas dire ce que j’ai pas dit ! Quelqu’un qui a un slogan comme ceux qu’on voit sur les papillons que nous recevons, du style : « Je suis avec vous ! », ou alors à la De Gaulle « Je vous ai compris » ou encore à la Kennedy : « Ich bin ein Walliser ! »
Un Sauveur qui va régler tous nos soucis. L’augmentation des primes d’assurance maladie, le manque d’eau, le flux des réfugiés, un qui va changer nos pneus d’hiver avant l’arrivée de la neige cette année. On attend parfois un magicien…
Et le psaume le disait très bien, d’ailleurs : « C’est notre VIE que nous attendons du Seigneur. » C’est rien moins que ça ! Notre vie !
Et à l’époque du prophète Isaïe, celui qui a écrit notre première lecture de ce matin, on attendait déjà ce type de Sauveur-là.
C’est dire si ce texte a fait scandale ! Nous, on l’a écouté tranquillement ce matin, on en a l’habitude, il ne nous heurte plus, ce texte. Et pourtant, qu’est-ce que disait Isaïe ? Le Sauveur que vous attendez, c’est un SERVITEUR… Déjà là, ça décoiffe un peu. On se dit : « Mais non ! Un Sauveur… un Sauveur c’est un Roi, c’est… c’est lui qui a des serviteurs ! Mais ce n’est pas lui-même le serviteur, ça ne joue pas ! »
Eh bien si. Et Isaïe va beaucoup plus loin… Et c’est pour ça que le texte a choqué ! Le Sauveur… c’est un serviteur SOUFFRANT !
Alors là, tous ceux qui sont sur les papillons de la Constituante ont envie de dire : « Non mais attendez… un Sauveur, ça doit souffrir ? Mais moi, je ne demande pas qu’on m’élise pour souffrir, hein ! Je veux juste les voix des gens, ça me suffit… Un Sauveur, ça doit souffrir ? Un Sauveur, ça doit se charger des péchés des Hommes ? (C’était dans le texte…) Non mais vous rigolez ! J’ai pas envie d’avoir tous les péchés des gens de mon village sur mes épaules, moi ! Un Sauveur ça doit… mourir comme un esclave, crucifié ? Mais vous n’êtes pas sérieux ?! » Eh bien si… un Sauveur c’est d’abord un serviteur.
Et on est frappés par la ressemblance de ce texte, qui a été écrit 600 ans avant Jésus, on est frappés par la ressemblance avec le Christ ! Isaïe était un grand prophète, il savait de quelle sorte de Sauveur nous allions avoir le cadeau.
La figure du Messie, qui était attendue par tout Israël, c’était celle d’Harry Potter, d’un magicien qui règle tout à coup de baguette magique ! C’est pas ça, notre Sauveur !
Pour Isaïe, c’est la figure du serviteur, humble, fidèle… et souffrant. Celui qui va aller jusqu’à mourir, par amour pour nous, sur une croix. Scandale absolu !
Et la question des disciples, dans l’Evangile, elle est pétrie de tout cela. Eux, ils attendent Superman. Et du coup, deux d’entre eux, Jacques et Jean, se disent : « Peut-être qu’il y a moyen de se placer juste à côté, peut-être qu’on peut avoir la place à gauche et à droite, puisqu’on est ses compagnons ! »
Et Jésus leur dit : « Vous ne savez pas ce que vous demandez ! Vous voulez être à ma gauche et à ma droite ?… » …Et nous, on a l’image, hein ! Ceux qui sont à sa gauche et à sa droite, c’est deux autres croix, souvenez-vous !… « Vous voulez être à ma gauche et à ma droite ? Vous ne savez pas ce que vous demandez ! »
Et Jésus pourrait le dire à chaque candidat à la Constituante de cet automne… « Tu veux être élu ? Mais tu ne sais pas ce que tu demandes, mon ami… Tu sais ce que ça veut dire, être élu ? Moi je sais. Etre élu, c’est être crucifié. Tu seras crucifié ! Par ton agenda d’abord. Par les médias, aussi. Ta famille souffrira. C’est ça que tu veux ? Alors d’accord. On va te donner nos voix. Mais n’oublie pas : c’est ça, être serviteur. C’est pas être une star, c’est être au service de tous, et souffrir aussi. »
Et Jésus va plus loin. Il pose à ses disciples la question qui tue…
Hmmm… c’est quoi, la question qui tue ? Et il ne la pose pas seulement à ses disciples, il la pose à tous les candidats à la Constituante, mais il la pose à nous tous aussi, vous allez voir… C’est quoi, la question qui tue ?
Il leur dit : « La coupe à laquelle je vais boire, est-ce que vous êtes capables d’y boire aussi ? »
Alors nous, en Valais, quand on pense « coupe », on pense « apéro » et on dit – comme les disciples qui n’avaient pas tout compris – « Mais bien sûr, qu’on est capables d’y boire… ça va être super ! »
Ouais… sauf que c’est cette coupe-là dont Jésus parle… [montrant le calice]… c’est pas tout à fait la même…
Alors après Vatican II on a dit : « Nous aussi, les fidèles, on a le droit de boire à cette coupe ! Y a pas que le prêtre ! » Et c’est juste, vous avez le droit… mais pas sans en comprendre le sens.
C’est quoi, boire à cette coupe ? C’est la coupe du sang, c’est la coupe du sacrifice, c’est la coupe du serviteur souffrant.
Et Jésus, à chaque fois que vous communiez à la coupe, vous dit : « Tu es capable de boire à la coupe à laquelle j’ai bu, moi ? A ma croix ? A mon sang ? Tu es capable de donner ta vie pour les autres ? Parce que c’est ça, boire à cette coupe… »
Jésus pose cette question à nos auxiliaires de l’Eucharistie à chaque fois qu’ils donnent la communion : « Es-tu capable de t’avancer devant tout le monde ? D’être crucifié par les ragots de certains ? Parce que c’est ça, aussi, servir cet autel. Es-tu capable de boire à la coupe à laquelle j’ai bu ? »
On devrait y penser plus souvent quand on a la chance de pouvoir boire à cette coupe. C’est cette question-là que Jésus nous pose…
Mais nous chers Amis ? Nous, nous ne sommes pas les disciples de Jésus, nous avons deux mille ans d’histoire, on a compris tout ça. Parce que si nous attendons toujours un Sauveur-Superman, c’est qu’il nous manque un ou deux cours de catéchisme ! On a compris qu’un Sauveur, c’est un serviteur, que c’est une personne humble, souffrante.
Comme nos prêtres. Qui, comme par hasard, sont aussi ceux qui boivent à cette coupe, sont aussi ceux qui sont crucifiés par les médias, en ce moment, sont aussi ceux qui ont donné la vie pour leurs paroissiens, jusqu’à ne plus pouvoir la donner eux-mêmes à travers le mariage.
C’est aussi un sacrifice. Et nous le faisons de bon cœur parce que nous suivons celui qui est sur la croix.
Pour bien comprendre, il faut ré-écouter encore le deuxième texte de ce matin, la lettre aux Hébreux. Ce deuxième texte qui nous rappelait que oui, c’est Jésus, le Grand-Prêtre. Et qu’il va revenir ! Il faut que nous soyons prêts à cela.
Mais il nous disait aussi que ce Grand-Prêtre est venu partager nos faiblesses.
C’est une phrase magnifique sur laquelle on est peut-être passés un peu vite, tout à l’heure. « Il n’est pas incapable de partager nos faiblesses. »
Il est venu partager notre souffrance. Comme le disait Claudel, « il n’est pas venu supprimer la souffrance, il n’est même pas venu l’expliquer… il est venu la vivre avec nous. »
Toutes les personnes de l’extérieur qui nous disent : « Ha ! S’il existait, ton Dieu, y aurait pas de mal dans le monde, ça se saurait ! »… ce sont des personnes qui attendent un magicien !
Il n’est pas venu supprimer le mal, c’est pas lui, le mal… Il est venu le vivre avec nous, c’est pas pareil. Il est crucifié sur chacune de nos croix, dans nos vies.
Il ne s’est pas contenté de siéger à droite ou à gauche, ou en-bas à Sion, en regardant de loin la commune qui l’avait élu… non ! Il est venu partager les réalités des gens. Complètement. Il est venu parmi nous.
Et alors du coup, la question de savoir si on est à droite ou à gauche ne se pose plus. Puisqu’il est au milieu de nous ! Nous sommes à droite et à gauche de lui. Il l’a voulu ainsi.
C’est ce type de sauveur-là qu’il nous faut attendre, c’est ce type de personnage-là qu’il nous faudra élire. Pour comprendre tout simplement que servir – servir Dieu comme servir le peuple – c’est être souvent serviteur souffrant.
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Mâche, samedi 20 octobre 2018, 17.00
Vex, samedi 20 octobre 2018, 18.30
Hérémence, dimanche 21 octobre 2018, 9.00
Evolène, dimanche 21 octobre 2018, 10.30 (version enregistrée)
Georges QUELLET
Cher Ami Vincent,
Merci pour ton exhaustive homélie approfondissant de nombreux aspects du SERVICE, auxquels on ne pense pas toujours. En tâchant de les mettre en pratique. Et en espérant t’entendre de « vive voix » lors de notre probable (question santé) retour à Evolène en décembre, après une longue absence du paradis hérensard. Vale. Georges.