Une petite jeune fille de là-bas…
Photo : capture d’écran depuis tvn.cl
Homélie pour la solennité de L’ASSOMPTION
avec aussi le baptême de la petite Emy
Lectures : 1Chroniques 15,3-4 ;15-16 ;16,1-2
Ps 131 / 1Corinthiens 15,54b-57 / Lc 11,27-28
> Une homélie n’est faite ni pour être lue ni pour être vue en vidéo, c’est un exercice oral. Vivez l’expérience pleinement en l’ECOUTANT :
Je pourrais faire avec vous, Chers Amis, la liste des nationalités qui se trouvent ici, dans l’Eglise aujourd’hui, et je pense qu’on y passerait un certain temps !
Et si vous voyagez un peu – oh, en temps de CoVid c’est évidemment difficile mais… – si vous voyagez un peu et que vous cherchez, dans le pays où vous vous trouvez, la représentation d’une crèche – pas une crèche pour garder les enfants comme Emy, hein, une crèche de Noël – eh bien suivant le pays où vous vous trouvez, vous aurez sous les yeux quelque chose de radicalement différent.
Si vous allez dans le grand Nord, vous trouverez Marie avec des moufles, une crèche avec de la neige sur le toit, des bergers avec de solides peaux de mouton pour se tenir chaud.
Si vous allez dans le sud, vous trouverez des crèches avec une Marie à la peau basanée, certainement les cheveux noirs, un costume typique des Andes si vous êtes en Amérique du Sud, ou bien la crèche sera une case en torchis si vous êtes en Afrique, bref : tout est à l’avenant suivant le pays où vous vous trouvez.
Et c’est bien normal parce qu’on aime représenter la sainte famille comme une famille de chez nous, d’où que l’on soit. C’est une manière que nous avons de nous rapprocher un peu de cette famille, de la représenter comme les familles de chez nous.
Alors je vous propose un exercice très simple, Chers Amis, je vais vous demander de fermer les yeux quelques instants…
…allez-y, fermez les yeux… ne vous endormez pas ! …et essayez d’imaginer Marie… Marie telle que vous la connaissez bien sur un de ces tableaux, un de ces vitraux, une de ces statues…
Marie est là, les mains jointes, la tête un peu penchée, elle est grande, elle est habillée en bleu et en blanc, peut-être y a-t-il un peu de rose aussi, sur sa robe… toutes les couleurs sont pastel, elle a les cheveux blonds, de longs cheveux blonds, les yeux bleus…
Stop, arrêtez, rouvrez les yeux ! C’est pas ça, Marie, hein ! Ça, c’est pas Marie ! Ça, c’est la « Marie » de l’Occident, telle qu’on la représente ici, volontiers, sur des tableaux. Mais c’est pas Marie, ça…
Marie blonde aux yeux bleus, la peau laiteuse et en robe aussi blanche que la neige, ça, c’est la Marie des Européens… mais ce n’est pas Marie ! Une femme de Judée, de Galilée, de Palestine, de là-bas…
Vous avez souvent vu des blondes, vous, là-bas ? Il y en a, hein… mais il n’y en a pas beaucoup !
Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit, je n’ai rien contre les blondes ! Certains de vous le savent, avant d’être prêtre j’ai eu la chance d’être fiancé, et j’étais fiancé à une jeune femme qui était blonde et qui avait de longs cheveux blonds, en plus ! Je les apprécie !
Mais il y a fort à parier, Chers Amis, que Marie devait avoir les cheveux plutôt sombres. Et quant à sa peau… Marie n’avait évidemment pas la peau blanche comme la nappe de cet autel ! Ah si vous regardez certains tableaux, c’est édifiant ! Blanche-Neige, à côté, elle est bronzée, hein !
Mais Marie n’était pas comme ça, Marie est une femme de là-bas, elle avait la peau tannée – si ce n’est par le soleil encore plus par les grains de sable du désert, bien sûr !
Quant à sa robe… si par chance elle a un jour reçu une robe blanche ou rose bonbon ou bleu-ciel, cette robe a dû être très-très rapidement brunie par sable du désert. Là-bas, on a plutôt des habits qui tirent sur le beige ou sur le brun, au fur et à mesure des années, c’est bien logique.
Vous voyez, Chers Amis, quand on essaie d’imaginer Marie, c’est humain, on l’imagine comme quelqu’un de chez nous.
Mais essayons de lui redonner sa véritable apparence… celle qu’elle était réellement. Cette petite jeune fille qui, lorsqu’elle a été promise en mariage, était encore adolescente, vous le savez.
Cette petite jeune fille probablement aux cheveux sombres, à la peau tannée.
Cette petite jeune fille juive – ce n’est pas interdit de le redire, hein ! – cette petite jeune fille qui chantait, qui dansait les chants et les danses de son pays, qui allait à la synagogue comme nous allons à l’Eglise.
Cette jeune fille de sa culture à elle, de sa religion juive à elle.
C’est elle, Marie.
Rendons-lui son visage, nous le lui avons trop souvent volé pour la représenter comme nous, nous en avions envie. Rendons-lui son visage en ce jour de sa fête.
Et puis ne cherchons pas trop à expliquer les mystères qui entourent la vie de Marie…
« L’Assomption »… Le texte officiel de l’Eglise proclamé en 1950 dit qu’ « elle n’a pas connu la dégradation du tombeau »… ça dit tout et ça dit rien : est-ce qu’elle est morte ? C’est pas dit. Est-ce qu’elle n’est pas morte alors ? C’est pas dit non plus. Elle n’a pas connu la dégradation du tombeau, pour le reste : mystère.
Et je crois qu’il y a des mystères qu’il faut savoir ne pas expliquer. Marie en fait partie.
Elle est un personnage universel, vous le savez bien, Chers Amis : elle était Juive, elle est citée dans le Coran des Musulmans et elle nous rassemble, nous, les Chrétiens.
C’est rare, un personnage qui rassemble trois grandes religions !
Elle est un personnage universel particulièrement en Europe, vous le savez aussi, puisque les douze étoiles du drapeau européen et la couleur bleue viennent de la médaille miraculeuse de Marie, selon le concepteur de ce drapeau.
Marie est un personnage qui rassemble, mais il faut avoir la sagesse de ne pas tout expliquer ce qu’il y a autour d’elle.
Elle fut la demeure de Dieu – comme Marie-Jeanne fut la demeure d’Emy : eh oui, pendant quelques mois nos Mamans sont nos demeures ! Elle fut la demeure de Dieu, comme le disait le psaume.
Elle fut l’arche d’Alliance, puisqu’elle a contenu Dieu… l’arche dont nous parlait la première lecture. Elle fut heureuse, certainement, comme le disait l’Evangile. Elle a suivi Dieu aussi et essayé d’obéir à ses paroles qu’elle avait entendues. Et comme le disait aussi notre deuxième lecture, elle a vaincu la mort en revêtant l’immortalité.
Ça, ce sont des points que l’on peut dire en se basant sur nos lectures.
Mais pour le reste, il vaut mieux se taire et la prier, notre Maman du Ciel.
Emy apprendra, elle aussi, qu’elle a non seulement une Maman sur la terre mais comme Chacune, Chacun de nous, une Maman là-haut à qui elle peut aussi confier certaines choses.
Bien malin qui peut dire ce qu’il y a dans le cœur d’une Maman, à fortiori dans celui de Marie.
Alors se taire, Chers Amis, c’est ce que je vous invite à faire maintenant… pour que nous puissions imaginer Marie non pas telle qu’on l’a trop souvent représentée mais Marie telle qu’elle fut, telle qu’elle est, telle qu’elle sera, aujourd’hui, demain et dans l’éternité.
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Bex, samedi 14 août 2021, 18.00
Aigle, dimanche 15 août 2021, 10.00 (version enregistrée)