Une famille normale ??

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Photo DR : oise.catholique.fr

Homélie pour la Sainte Famille, année B

Genèse 15,1-6;21,1-3 / Psaume 104 / Hébreux 11,8-19 / Luc 2,22-40

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Dans ma famille, chers Amis, nous sommes quatre garçons. Nous n’avons jamais eu de soeur. Et mes trois frères sont plus âgés que moi, nettement… ils se sont mariés tous les trois lorsque j’étais encore un enfant.

Chez mes parents, à Genève, il y a une étagère avec les photos des mariages de mes frères. Quand j’étais ado je voyais ces trois photos, deux en-haut, une en-bas et… un vide. La place toute logique pour mon futur mariage à moi. Et j’ai passé toute mon adolescence en voyant ces trois photos, et la place vide qui m’attendait…

Le problème avec Dieu c’est qu’il obéit rarement à la logique, vous avez remarqué ?

St Augustin disait d’ailleurs : « Si tu comprends, ce n’est pas Dieu. »… une manière de nous dire que ce que nous croyons comprendre, ce que nous croyons pouvoir déduire ou avoir déjà compris risque bien de prendre quelques chemins de traverse si c’est habité par Dieu.

Nous fêtons la Sainte Famille, aujourd’hui. Et pour beaucoup, jusque dans les manifestations françaises de l’an dernier, le modèle familial chrétien semble très clair : un papa, une maman, des enfants (habituellement on en dessine deux – un garçon, un fille, comme ça, ça équilibre bien…)
Dans ma famille, avec quatre garçons et aucune fille c’était déjà mal barré pour obéir à un modèle habituel.

Mais mes parents étaient loin de se douter qu’il n’y aurait que trois mariages sur l’étagère, et que la quatrième cérémonie serait une ordination sacerdotale. je m’en doutais pas non plus, hein, je vous rassure…

Il faut laisser une chance à Dieu, notamment dans nos familles, avant de plaquer des modèles, des étiquettes. Il a peut-être quelque chose à nous dire, et cela pourrait bien nous surprendre…

Prenez la Bible, par exemple. Ça vaut la peine de la lire, vous savez, c’est surprenant la Bible : on n’y trouve pas toujours ce que l’on croirait y trouver… Par exemple, il ne s’y trouve aucun modèle de famille type « normal », enfin « normal » comme le voudraient les gens qui plaquent l’étiquette « normal » sur tout ce qu’ils aiment et qui flinguent tout le reste. ils sont en général assez violents, vous savez, les gens qui plaquent des étiquettes sur les autres.

La famille biblique normale n’existe pas, je suis désolé, chers Amis.
Y compris la Sainte Famille, d’ailleurs.

Eh oui, en termes de couple modèle y a un petit peu de friture sur la ligne : Marie est enceinte alors qu’elle n’est pas mariée, Joseph qui va devenir son mari n’est pas le père de l’enfant…
…excusez-moi mais on est exactement dans ce que dénoncent habituellement les gens qui voudraient qu’une famille soit « normale »… La famille de Jésus n’est pas « normale », pas au sens où on l’entend habituellement, en tout cas.

Et d’ailleurs ça commence dès les premières pages de la Bible. La première fois qu’on évoque deux frères c’est pour dire que l’un a tué l’autre, c’est l’histoire de Caïn et d’Abel. C’est pas tout à fait l’idéal des relations familiales entre frères et soeurs telles qu’on les conçoit habituellement. et pourtant c’est la première fois que la Bible nous parle d’une famille. Cela devrait allumer un clignotant orange dans notre tête : peut-être que Dieu essaie de nous dire quelque chose…

Mais ce n’est pas tout. Prenez les textes de ce soir. Les textes, précisément, que l’Eglise nous propose, dans sa grande sagesse, pour célébrer la Sainte Famille – on se dit qu’on va avoir un recueil de textes qui parlent de couples modèles type « un papa-une maman », et les autres allez manifester ailleurs pour voir si j’y suis.

Le premier texte, vous l’avez entendu, parlait d’Abram et de Sara. Une histoire fantastique que vous connaissez bien.

A cause de la stérilité de Sara, Abram va faire un enfant à… sa servante Agar, avant que Dieu rende finalement Sara capable – dans sa vieillesse (ce qui n’est pas tout à fait « normal » non plus) – d’avoir un fils elle aussi.

On est assez loin des standards bien pensants, vous ne trouvez pas ?
Le psaume, lui, évoquait les fils de Jacob. Je ne sais pas si vous avez l’histoire en tête, mais c’est très loin d’être une partie de plaisir, dans cette famille-là, aussi.

Et l’Evangile nous parle du vieux Syméon, qui reçoit Jésus dans ses bras et qui proclame qu’il est le Messie, lui, un vieillard. Vous avez remarqué, quand on essaie de dessiner une famille dite « normale », on ne dessine jamais un vieillard. Et pourtant c’est lui dont parle l’Evangile, un vieillard…

Et l’autre personne qui est là, vous l’avez entendu, c’est une veille femme de 84 ans, on la nomme Anne, et on dit qu’elle est demeurée veuve après sept ans de mariage. Ce n’est pas tout à fait « normal » d’être veuve après sept ans de mariage, vous ne trouvez pas ?

J’ai peut-être mal lu les textes de ce soir, chers Amis, excusez-moi dans ce cas mais… vous voyez du « normal », du « traditionnel », là-dedans ? Moi non.

Et pourtant ce sont les textes qui nous sont proposés pour célébrer la plus sainte des familles.

La clé de tout cela est peut-être à chercher dans notre deuxième lecture, la lettre aux Hébreux. L’auteur de la lettre aux Hébreux – qui n’est pas Paul rappelons-le au passage, et dont on ne sait d’ailleurs quasiment rien, là aussi c’est intéressant comme « normalité » – l’auteur de cette lettre montre le point commun de tous ces gens : c’est la Foi.

Comme si on voulait nous dire : Peu importe si tu n’es pas dans un modèle « normal »… peu importe la famille que tu as, composée, recomposée, déchirée, raccommodée, faite de pièces rapportées, que sais-je ? Peu importe si tu as Foi en elle. Tu y verras des choses étonnantes, si tu y places Dieu.

Peu importe les mariages ou non de tes enfants, les photos sur les étagères, les personnes avec lesquelles ils vivent ou non, peu importe… garde la Foi, Dieu trouvera un chemin surprenant là-dedans, tu verras…

Peu importe que tu n’aies pas un couple toujours modèle, une famille forcément modèle, un arbre généalogique parfaitement complet et symétrique… Abraham – qui est pourtant notre ancêtre à tous – ne l’avait pas, lui non plus.

Et dans l’ascendance de Joseph, si on cherche bien, on trouve des gens qu’on a de la peine à étiqueter de « normaux ».

Entre une prostituée et un assassin, en passant par toutes sortes d’entorses à la loi de l’époque, Jésus a des personnes étranges dans son arbre généalogique.

Et c’est pourtant cette maison-là que Dieu a choisi pour son fils, la maison de David, qui n’est pas le plus normal de tous, non plus.

Moyennant notre Foi, Dieu vient habiter toutes nos histoires de famille, quelles qu’elles soient, même et surtout les plus complexes, les plus douloureuses, les plus surprenantes. Il vient y mettre sa lumière, ses surprises, sa trace, sa signature, comme s’il venait nous dire : « Tu croyais que ce serait normal ? Mais c’est mal connaître la vie mon pauvre ami ! Aucune famille n’est véritablement normale ».

Sur l’étagère, chez mes parents, il y a trois photos de mariage avec à chaque fois un beau jeune homme et une magnifique épouse dans une belle robe blanche.

Et puis, depuis, il y a une quatrième photo, à la place qui était vide avant. Avec un seul homme dessus, moins jeune, moi, dans une belle robe blanche…

Etonnant, le chemin de Dieu, dans ma famille. Et dans la vôtre, dites-moi ? Tout est vraiment « normal » ?

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La Sage, 27 décembre 2014, 19.30 (version enregistrée)

Hérémence, dimanche 28 décembre 2014, 9.00

Evolène, dimanche 28 décembre 2014, 10.30

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3 Responses

  1. Monique Vuignier

    Eh bien cette fois je suis épatée.
    Pour être sincère, j’ai parfois trouvé vos sermons, pardon, homélies, un peu béni-oui-oui.
    Mais là, vous avez fait fort.
    Il est vrai que faire correspondre la morale bourgeoise et les intentions divines (si tant est que l’on puisse les connaître) est une sorte d’hérésie.
    Et choisir la célébration de la sainte Famille pour voler dans les plumes de la normalité: chapeau!
    Je ne suis pourtant pas partie prenante puisque je n’ai pas fondé de famille 🙂
    Bien à vous
    Monique

  2. Duvillard-MARET Christiane

    Magnifique cet éloge de la soi-disant normalité ! Puisse ce texte remettre, si je peux me permettre, l’Église au milieu du village pour certains bien-pensants ! Et merci pour la tolérance envers ceux qui sortent des schémas que d’aucuns qualifieront  » d’anormaux »

  3. Marc

    bravo, c’est parti! Bonne Annėe ! après cette homélie 2015 sera un grand cru dans les ėglise et chaumières « de l’autre coté » là-bas en face ! tu nous manques 20100 !

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