Seigneur, je t’aime… un peu… beaucoup… passionnément…

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Homélie pour le 3e dimanche de Pâques, C

Actes 5,27b-32.40b-41 / Psaume 29 / Apocalypse 5,11-14 / Jean 21,1-19

 

> Une homélie n’est faite ni pour être lue ni pour être vue en vidéo, c’est un exercice oral. Vivez l’expérience pleinement en l’ECOUTANT :

 

Chers Amis,

 

Comment aimez-vous, dans votre vie ? La question peut paraître étrange. Comment aimez-vous ?

C’est pourtant LA question qui semble compter une fois que nous rejoignons le ciel.

Vous avez certainement déjà entendu parler de ces témoignages des personnes qui ont approché la mort avant d’en revenir, soit qu’elles aient eu un arrêt cardiaque et que leur cœur soit reparti, soit par un coma prolongé…

Toutes parlent d’histoires de lumière blanche, de tunnel, de sortie de leur corps – toutes choses qu’elles racontent et que j’ai personnellement vécues moi aussi, plusieurs d’entre vous le savent, ce serait trop long à vous raconter.

Mais je me garderai donc bien de mettre cela en doute.

La plupart des personnes qui sont allées au bout de ce tunnel de lumière – ce que je n’ai personnellement pas fait – racontent aussi autre chose : elles disent avoir rencontré soit quelqu’un soit une entité soit avoir perçu une voix qui demandait : « Comment as-tu aimé ? ».

Et c’est étrange car les témoignages concordent de façon surprenante : que ces personnes soient bouddhistes, musulmanes, athées, chrétiennes. Qu’elles viennent d’Alaska, d’Australie, d’Europe… toutes disent la même chose : « La voix m’a demandé comment j’avais aimé. » Comme si c’était LA question principale de notre agir sur cette terre.

Or c’est aussi la question de l’amour qui anime Jésus, au bord du lac, vis-à-vis de Simon-Pierre, dans l’épisode que nous venons de ré-entendre. « M’aimes-tu ? » demande Jésus à Pierre.

Et Pierre répond, bien sûr, on connaît bien cet épisode.

Mais ce que vous ne savez peut-être pas, Chers Amis, c’est qu’il y a un sacré jeu de mots, dans ce texte que nous venons de ré-entendre.

Et pour comprendre ce jeu de mots, il faudrait lire cet Evangile en grec – je ne vais pas vous l’imposer. Notre traduction française le rend mal, ce jeu de mots, même si la nouvelle traduction que nous avons depuis quelques années et que nous venons de ré-entendre a bien amélioré la chose.

La question de Jésus, en fait, s’apparente davantage à « Comment m’aimes-tu, Pierre ? ».

Parce qu’en grec, comme dans la plupart des langues d’ailleurs, il y a deux verbes pour dire « aimer ».

Alors qu’en français, très étonnamment, on utilise exactement le même verbe pour dire qu’on aime son épouse ou qu’on aime… le chocolat.

Alors qu’excusez-moi mais ce n’est pas tout à fait le même amour… !

Et en français nous n’avons qu’un verbe…

Dans la quasi-totalité des autres langues, il existe deux verbes bien différents pour cela :

–      un verbe pour dire que l’on aime totalement – l’amour de charité, l’amour qui va jusqu’à donner sa vie pour celui ou celle qu’on aime, l’amour des époux notamment.

–      …et un autre verbe pour dire que l’on aime, oui, mais un peu, normalement, comme on aime le chocolat, par exemple.

Et dans l’épisode que nous venons de ré-entendre, il y a un constant jeu de mots entre ces deux verbes.

Le Christ attend de Pierre qu’il l’aime totalement. Et il commence par lui demander : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu vraiment, plus que ceux-ci ? » Il utilise le verbe le plus fort. « M’aimes-tu totalement ? »

Et au passage, il dit « Simon, fils de Jean », il le replace aussi dans son identité familiale, le lieu où l’amour s’exerce, souvent.

Et Pierre répond avec le verbe faible : « Seigneur, tu le sais, je t’aime. » C’est-à-dire : « Seigneur, tu sais que je ne t’aime qu’un peu, que je ne t’aime que simplement. »

Alors le Christ repose la question avec le verbe fort à nouveau : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu vraiment ? », il aurait pu ajouter « de tout ton cœur ? »

Et Pierre répond à nouveau avec le verbe faible : « Seigneur, tu le sais, je t’aime. » Et c’est toujours « je t’aime un peu, à ma manière humaine. » qui est sous-entendu.

Là où ça devient fascinant, c’est qu’à la troisième question, Jésus utilise lui-même le verbe faible : « Simon, fils de Jean, est-ce que tu m’aimes ? »… c’est-à-dire : « Est-ce que tu m’aimes au moins un peu ? Pas au point de donner ta vie pour moi, tu n’es pas encore capable de le faire, mais est-ce que tu m’aimes un peu quand même ? »

Et c’est pour ça que Pierre est triste !

On ne le comprend pas forcément au premier abord, mais c’est pour ça que Pierre est triste : parce qu’il comprend que Jésus sait qu’il ne l’aime pas totalement, qu’il ne l’aime pas encore complètement.

Du coup Jésus fait ce qu’il fait souvent avec chacun de nous, il s’abaisse au niveau de Pierre. Il descend à notre niveau humain.

Et la réponse de Pierre utilise à nouveau le verbe faible : « Seigneur, toi tu sais tout, tu sais bien que je t’aime. » C’est-à-dire « Seigneur, on ne peut rien te cacher, tu sais tout, tu sais que je ne peux t’aimer que comme cela, pour l’instant. »

Alors évidemment quand on sait cela, cet épisode prend une saveur particulière. Parce que nous sommes tous des Simon-Pierre.

Et Pierre dans l’épisode précédent, souvenez-vous, avait renié le Christ par trois fois. Ce n’est pas un hasard si le Christ lui demande trois fois : « Pierre, m’aimes-tu ? »

Et Pierre avait renié le Christ, souvenez-vous, autour d’un feu de braise chez la servante du grand-prêtre.

Ce n’est pas un hasard si on retrouve ce feu de braise, le même, sur la plage, ce jour-là.

Le mot n’apparaît que deux fois dans la Bible, ces deux fois-là. Rien n’est un hasard avec Jésus.

Le Christ attend de nous un amour total, comme il l’attendait de Pierre. Mais il sait bien que nous en sommes incapables, pour l’instant. Parce que nous sommes humains.

Il sait que l’amour est un chemin, le chemin de toute une vie, le travail de toute une vie. Il sait bien que nous sommes incapables d’aimer pour l’instant au point de donner notre vie pour lui.

Alors il nous demande, au final, de l’aimer au moins un peu, au moins comme nous le pouvons. Et que notre amour soit joyeux, même s’il est imparfait.

Et vous voyez, chers Amis, ce que vous découvrez ou ce que vous réapprenez ici est totalement essentiel, à mon avis, au sujet de Dieu.

C’est un Dieu d’Amour absolu, mais il sait bien que nous, dans notre condition humaine, nous aimons comme nous le pouvons.

Mais il n’est pas un Dieu de règlements de comptes impitoyables ou d’interdits définitifs – hormis les commandements qu’il nous donne bien sûr.

Le Conseil Suprême de la première lecture le découvre, aux dépens de l’interdit qu’il entendait poser aux Apôtres.

Et le psaume le disait lui aussi à sa manière : quand nous sommes désespérés parce que nous croyons ne jamais parvenir à cette façon qu’a Dieu de nous aimer, il nous relève, il change notre deuil en joie.

Et Jean, l’auteur de l’Apocalypse, notre deuxième lecture, lui qui a vu cette foule innombrable vêtue de blanc et ayant traversé la grande épreuve – c’est-à-dire les morts ! – Jean dit bien qu’alors c’est d’un plein Amour, avec gloire, honneur et louange, que nous parviendrons enfin à aimer Dieu, pleinement.

Demandons-nous alors chers Amis comment nous, nous vivons l’amour dans chacune de nos vies.

Balayons devant notre porte avant de juger l’autre. Et demandons-nous comment nous aimons le Christ en chacun des visages que nous rencontrons.

Ainsi, lorsqu’un jour Jésus nous posera la question : « Comment as-tu aimé ? », nous pourrons répondre : « Seigneur, tu sais tout, j’ai essayé d’aimer du mieux que je le pouvais. »

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Champex, samedi 4 mai 2019, 17.00

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  1. Francine Gaudet

    Je me suis parfois demandé ce que je répondrais au Seigneur lorsque j’arriverai près de Lui et qu’il me posera la question: Comment as-tu aimé? Et je reviens toujours à cette réponse que je lui donnerai: « Seigneur, toi qui sais mieux que moi, montre-moi comment j’ai aimé ».

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