Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Berger ?
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Homélie pour le 16e dimanche TO, année B
Jérémie 23,1-6 / Psaume 22 / Ephésiens 2,13-18 / Marc 6, 30-34
> Une homélie n’est faite ni pour être lue ni pour être vue en vidéo, c’est un exercice oral. Vivez l’expérience pleinement en l’ECOUTANT :
Chers Amis,
Je vous l’ai dit au début de cette messe et ceux qui me connaissent le savent : je viens des montagnes suisses, des Alpes… oh il y a pas mal de points communs avec les Pyrénées, hein ! Même si dans les Alpes on monte un petit peu plus haut mais c’est juste comme au football, c’est juste pour se faire quelques jalousies les uns envers les autres ! Rien de mal…
Dans les montagnes, que ce soit dans les Alpes ou dans les Pyrénées, il y a un personnage que l’on rencontre régulièrement, on ne peut pas y échapper si l’on se balade un peu comme ça… on ne peut pas le louper, celui-là : c’est le berger.
On le connaît bien ! Que ce soit le berger des Pyrénées – je ne parle pas du chien ! – mais que ce soit le berger qui mène paître son troupeau dans les Pyrénées ou que ce soit le berger des Alpes, on le connaît bien.
Est-ce que vous imaginez un seul instant, Chers Amis, le berger livrer ses brebis au loup ? … Non ! Est-ce qu’on imagine un seul instant un berger faire lui-même du mal à ses brebis ? Non !
Le berger c’est vraiment – même si c’est parfois un être un peu original, hein, dans nos montagnes – mais c’est vraiment l’archétype du bon gars ! C’est celui qui ne ferait pas de mal à une mouche, à priori. En tout cas pas à ses brebis ! Il en prend soin, les connaît !
Ecoutez un berger appeler ses brebis par leur petit nom : « Blanqui, Noireau, ici ! »
Il s’arrange, d’ailleurs, pour les mener paître sur de beaux pâturages… les Pyrénées n’en manquent pas, les Alpes non plus ! Des prés magnifiques avec de l’eau fraîche pour les chaudes journées d’été… Il les conduits sur les sentiers qu’il connaît bien, il les conduit pour monter à l’alpe, pour en redescendre au temps voulu…
Et même si l’une de ses bêtes venait à mourir, il la soignerait jusqu’au bout, on les connaît, nos bergers ! Il ferait tout pour celle qui est malade.
Et s’il pouvait, il accompagnerait même jusqu’au paradis des moutons sa bête décédée.
Je le vois assez bien, le berger des Pyrénées ou celui des Alpes, avec son caractère, aller jusqu’au St Pierre des moutons – ça doit être St François j’imagine ! – et lui dire : « Attention, hein ! Je te surveille d’en-bas ! Mon petit Blanqui que je t’amène, tu en prends soin ! Tu lui prépares la table, tu lui offres un bon repas… parce que moi j’en ai pris soin toute sa vie ici-bas. Alors toi… attention, hein ! Je te regarde ! »
Et sûrement que le St Pierre des brebis en prendra soin…
On n’imagine pas une seule seconde un berger faire du mal à l’une de ses brebis.
Or la Bible est constellée d’images du Dieu-Berger. On en avait aujourd’hui dans nos textes… et il y a bien d’autres textes qui parlent de Dieu comme d’un berger.
Le psaume d’aujourd’hui reprenait toutes les images que je viens d’évoquer avec vous. Avec dans le rôle du berger, Dieu, et dans le rôle de la brebis, nous, l’être humain.
Je ne manque de rien, Dieu me fait reposer sur des prés d’herbe fraîche, il me mène vers les eaux tranquilles, il me conduit par le juste chemin et même si je traverse les ravins de la mort il me guide, il me conduit et il ne faudrait pas qu’on me fasse du mal parce qu’il me protège de mes ennemis et c’est même pour moi qu’il prépare la table…
Vous voyez… je n’ai rien inventé dans ma petite histoire de berger !
Nous avons entendu ces mots. Mais on les connaît tellement bien… c’est souvent comme ça avec les textes de la Bible qu’on connaît trop bien : dès qu’on commence à chanter « le Seigneur est mon berger » comme on l’a fait tout à l’heure, on enclenche la disquette – comme dit mon confrère le père Lefebvre – on enclenche la disquette et on n’écoute plus. Parce qu’on connaît la gentille petite histoire du berger, c’est mignon, mais enfin c’est pas le berger qui va payer mes impôts à la fin du mois !
Dieu est un berger. Et c’est un berger qui prend soin de nous.
Alors je me pose toujours la question quand j’entends ces textes, Chers Amis, comment se fait-il qu’on ait osé prêcher pendant des siècles un Dieu prétendument méchant, juge, un Dieu dont il fallait avoir peur ? Est-ce qu’une brebis peut avoir peur de son berger ? Est-ce qu’un berger va être méchant avec sa brebis, va lui faire du mal, va la juger durement ?
Qu’est-ce que c’est que cette image qui nous habite encore, pour certains d’entre nous, tellement elle a été ancrée profondément pendant des siècles ! L’image d’un Dieu qui nous voudrait du mal…
Et d’ailleurs à chaque fois qu’il nous arrive une tuile, on le dit : « Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu ? »… c’est une phrase qui ne me fait rire qu’au cinéma !
C’est une hérésie, tout simplement, cette phrase ! C’est imaginer un seul instant que, parce que j’ai fait du mal, Dieu va m’en envoyer en plus ! Mais quelle idiotie !
Au contraire ! La brebis perdue, nous le savons par un autre Evangile, non seulement il ne va pas lui faire du mal mais il va tout donner pour aller la rechercher. Il va tout donner, jusqu’à sa vie.
Parce que le Berger, c’est le Christ aussi.
Et le livre de Jérémie, notre première lecture, le disait très bien. Mais d’abord Jérémie demandait des comptes à ceux qui, justement, prêchent la mauvaise parole : « Malheur à vous, Pasteurs ! » disait Dieu par Jérémie.
Ah je le prends sur moi, hein ! A chaque fois que je prêche mal, j’entends Jérémie me dire « Malheur à vous, Pasteur ! Vous avez dispersé mes brebis ! »
Mais ça ne s’arrête pas là ! Les jérémiades ne s’arrêtent jamais à de simples propos négatifs…
Le texte continuait : « Ah vous les avez dispersées ! Eh bien, moi, je vais m’en occuper, je vais les rassembler ! Et même mieux : je vais leur envoyer un Messie, un Fils de David, un bon berger : le Christ. »
Notre deuxième lecture le disait aussi, Paul le dit à sa manière : « Il a tué la haine, il est venu annoncer la paix… »
Est-ce qu’une brebis qui a peur de son berger peut être en paix ? Non.
Le Christ est venu annoncer la paix et notamment la paix avec Dieu, la paix qu’il nous a lui-même obtenue.
Et c’est ce même Jésus qui, dans l’Evangile que nous avons entendu, prenait soin de ses disciples comme le bon berger qu’il est : « Venez à l’écart, reposez-vous un peu ! » disait Jésus.
Jésus n’est pas un patron qui fait travailler 7 jours sur 7, hein !
« Venez à l’écart, reposez-vous un peu… » Prenez votre dimanche ! …ou votre lundi, ou votre mardi… ça dépend quel jour vous avez pour vous reposer. Nous, les prêtres, ce n’est jamais le dimanche.
Mais prenez un jour de repos, venez à l’écart… Vous le voyez, le pâturage verdoyant, là ? Venez à l’écart, prenez un temps de repos, prenez un temps de vacances, tiens ! Un temps avec Dieu, dans un endroit désert…
Alors là, vous allez me dire : « Oui, mais du coup, pour notre prêtre suisse d’aujourd’hui, prendre ses vacances dans un endroit désert, c’est bien, mais la côte basque en juillet… c’est pas spécialement un endroit désert !! Y a mieux pour trouver un endroit désert ! »
Mais le désert n’est pas toujours celui qu’on pense… nos sœurs le savent très bien, avec Elie que nous allons fêter cette semaine, le désert n’est pas toujours celui qu’on pense !
Prendre un temps de désert, c’est prendre un temps loin de son téléphone, par exemple… prendre un temps loin de nos e-mails, par exemple… prendre un temps loin de nos soucis habituels, par exemple… prendre un temps loin de nos habitudes, bonnes ou mauvaises d’ailleurs…
Le désert, c’est simplement aller dans un lieu où Dieu va nous parler. C’est ça, le désert.
Prendre un temps de vacances, prendre un temps de désert, c’est indispensable ! Un temps hebdomadaire de repos – le jour du Seigneur – un temps annuel de repos – le temps des vacances… C’est Jésus qui nous le dit ! C’est important de le faire.
Mais il ne nous laisse pas encore comme ça, avec nos lectures d’aujourd’hui. Il y avait une perle finale. Une petite phrase, comme ça, sur laquelle on est passé un peu vite… non pas que Sœur Chantal l’ait lu trop vite, non… mais elle est tellement noyée dans le texte qu’on ne l’entend presque plus.
Dans la première lecture, précisément, dans le livre de Jérémie qui commence si durement, il y avait cette perle qu’il nous faut garder pour notre journée, pour notre vie même !
Cette perle qui venait appuyer le fait que nous n’avons plus à avoir peur de Dieu, plus jamais ! Parce que non seulement il nous envoie un Fils de David, disait le texte, mais « PLUS AUCUNE DE SES BREBIS NE SERA PERDUE », disait le texte de Jérémie.
Plus aucune.
– Ah mais Seigneur, peut-être… ça dépend ce que j’ai fait… et puis si je n’arrive pas à aller à confesse au bon moment…
Non ! Relis Jérémie : « Plus aucune de ses brebis ne sera perdue. »
Ça ne veut pas dire que c’est un chèque en blanc pour faire le mal, hein ! Ce n’est pas du tout ce que je suis en train de vous dire !
Mais ça veut dire qu’on ne doit pas avoir peur de Dieu. Plus jamais. Parce que même si l’on se perd, même si on est la brebis perdue – or je n’ai pas la prétention de ne pas l’être, hein ! – même si on est la brebis perdue, on sait qu’il va tout mettre en œuvre pour venir nous rechercher, pour nous ramener sur le bon chemin.
Parce qu’il n’est pas un berger qui fait du mal à ses brebis, il est un bon berger, celui qui nous aime, aujourd’hui, demain, éternellement, et dans les siècles des siècles,
Amen.
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Carmel de Bayonne, (Pyrénées Atlantiques) dimanche 18 juillet 2021, 08.30