Que le plus faible gagne !

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Homélie pour le 4e dimanche de Pâques B

Actes 4,8-12 / Psaume 117 / 1 Jean 3,1-2  / Jean 10,11-18

 

> Une homélie n’est faite ni pour être lue ni pour être vue en vidéo, c’est un exercice oral. Vivez l’expérience pleinement en l’ECOUTANT :

 

 

Chers Amis,

Imaginez quelques instants que 12 des meilleures équipes d’un sport décident tout à coup de faire un championnat juste entre elles, en excluant toutes les autres parce qu’elles sont trop nulles, les autres… et si ça vous rappelle un fait d’actualité de cette semaine ce n’est pas un hasard…

Je suis heureux de voir que ça n’a pas fonctionné d’ailleurs. L’élitisme de cette proposition avait quelque chose de profondément anti-évangélique, même si je ne suis pas certain que l’Evangile soit le livre de chevet des présidents de clubs de football, mais bon…

Si je vous rappelle cette anecdote, c’est pour vous faire imaginer l’inverse maintenant… Imaginez que les plus petits clubs du classement, les plus nuls, les derniers des derniers, ceux qui n’ont jamais rien gagné depuis des années, imaginez que ceux-là se mettent ensemble pour former un groupe d’élite ! Evidemment, ça ferait éclater de rire tout le monde…

Et c’est la même chose dans n’importe quelle compétition !

Imaginez, dans une de ces compétitions de miss, vous savez, Miss Univers, Miss Monde, Miss Suisse Romande, Miss Aigle… ou Mister, hein, Messieurs, y a pas de raison, imaginez qu’on élise la candidate la plus moche de toutes, le candidat le plus loin des standards de beauté du monde. Ça ferait quand même sourire…

Imaginez que la personne qui a eu le moins bon score aux élections municipales soit précisément celle qui est élue à la tête de la ville… imaginez qu’a l’école on fasse passer l’année à celui qui a les plus mauvaises notes de classe… et qu’on fasse redoubler le meilleur de la classe…

Vous vous diriez quand même que les choses sont quand même mal fichues dans ce cas-là…

Encore qu’il y aurait là une certaine forme de revanche qu’on aime bien aussi, parfois. On aime bien voir David gagner contre Goliath, on aime bien voir le plus petit gagner contre le plus fort… mais pas trop souvent, il faut quand même que justice soit faite dit notre petit démon intérieur. Il faut que le meilleur gagne, dit le principe qui régit le monde, jusque dans la nature d’ailleurs.

Et pourtant… Dieu fonctionne à l’envers des standards du monde. A l’envers de notre manière de penser. La Bible le dit très bien, d’ailleurs, et à de nombreuses reprises…

Je prends quelques exemples que vous connaissez par cœur :

Abraham et Sarah, dans le tout premier livre de la Bible, le livre de la Genèse… Quand Dieu veut trouver un père pour toutes les générations futures – un père ! – un père qui engendre une descendance aussi nombreuse que les étoiles du ciel dit-il, on se dit qu’il va prendre un solide gaillard en bonne santé dans la fleur de sa jeunesse… Eh bien non, il choisit un vieillard de plus de 80 ans qui est marié à une femme stérile !

On a envie de lui dire : « Seigneur, je ne sais pas si vous savez comment ça fonctionne… mais il y a peu de chances que ça donne une famille nombreuse, hein, à la base ! » Et pourtant c’est ce qui arrive…

Prenons un autre exemple, un peu plus loin dans le livre de l’Exode : Moïse. Vous vous souvenez de Moïse ? Eh bien quand Dieu veut choisir un porte-parole – un porte-parole, hein ! politiquement, médiatiquement on sait assez ce que cela veut dire, on en voit, hein, en ce moment, les porte-paroles de l’OFSP, du gouvernement, etc… un porte-parole c’est quelqu’un qui relaie fidèlement la parole de son chef, qui monte au front, présent dans les médias – eh bien quand Dieu choisit un porte-parole, il choisit un homme qui bégaie. Moïse est bègue, le texte nous le dit !

Et là aussi on a envie de dire : « Seigneur, comme porte-parole, peut-être que ce n’est pas tout à fait la personne appropriée hein ! Un bègue ! » Et pourtant Dieu choisit Moïse…

Prenez David… je viens d’en parler. Quand Dieu cherche un roi pour son peuple – un roi ! – qui choisit-il ? Vous connaissez l’histoire par cœur… Le plus petit ! Le plus petit de la tribu, celui que tout le monde avait rejeté, celui qu’on n’avait même pas amené à l’élection parce que ça ne servait à rien… le plus petit, le plus faible, c’est lui que Dieu choisit !

Et même Jésus, pensez-y quelques instants… Quand Dieu veut donner un Messie au peuple de Dieu, à Israël, tout le monde attend un Superman ! Et on prend parfois Dieu pour Superman, on se dit qu’il va effacer tous nos problèmes… Et Dieu choisit qui ? Un simple charpentier, qui va finir crucifié sur une croix… Une croix de bois… si c’est pas un comble pour un charpentier ! Sa couronne ? C’est une couronne d’épines. Son carrosse ? C’est un petit âne. Son trône ? C’est une croix. Dieu renverse les valeurs du monde, Chers Amis…

Et quand ce même crucifié, une fois ressuscité, quand Jésus cherche le futur chef de son Eglise, celui qui va la diriger, celui qui devra être solide comme un roc, il choisit qui ? Mais oui vous le savez bien : Pierre, c’est-à-dire celui qui l’a renié trois fois plus que Judas.

Ah bah oui, il faut quand même le rappeler, hein : Judas a trahi Jésus… une fois…

Pierre l’a renié trois fois ! Alors loin de moi l’idée d’excuser Judas, hein, ce n’est pas du tout ce que je veux dire ! Mais enfin, on aurait envie de dire à Jésus : « Peut-être que dans tes disciples il y a d’autres personnes qui ont été un peu plus fidèles que Pierre… » Non, il choisit le renégat, Pierre, comme premier chef de son Eglise. Pensons-y quand on critique les chefs de l’Eglise…

« La pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs est devenue la pierre d’angle. » Cette phrase, nous l’avons entendue deux fois, ce matin. Dans la première lecture d’abord et dans le psaume ensuite. C’est dire si elle est importante !

La pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs est devenue la pierre d’angle. C’est magnifique, quand on y pense ! On se dit, en raisonnant à la manière du monde, que les bâtisseurs ont sûrement eu une bonne raison de rejeter cette pierre, vraiment elle n’allait nulle part dans la construction, elle était mal formée, peut-être même déjà fissurée, il y avait un problème de solidité avec cette pierre-là. Non, vraiment… il fallait la rejeter.

Eh bien c’est cette pierre-là que Jésus choisit pour bâtir son Eglise.

Comme si Dieu voulait nous dire : « Ah, tu l’as laissée de côté ? Eh bien peut-être que c’est la plus importante de l’édifice… Peut-être que la personne que tu viens de rejeter c’est la plus importante dans le Royaume de Dieu… »

Je pense aux personnes âgées que le monde rejette si elles ne sont pas vaccinées, n’est-ce pas ? Je pense aux personnes handicapées, je pense aux personnes que le monde juge moins productives que les autres, et qu’on rejette de tous côtés, je pense à toutes ces personnes que notre monde bien-pensant laisse de côté comme cette pierre qu’on a rejeté parce qu’elle n’était pas comme les autres, qu’elle ne pouvait pas faire partie de la construction.

Aux yeux de Jésus, c’est certainement cette personne-là qui est indispensable dans la construction de son Royaume.

Quand Dieu veut montrer sa force, voyez-vous Chers Amis, il choisit précisément la faiblesse.

Et le monde est incapable de comprendre cela parce que le monde oublie de connaître Dieu, le monde ne fonctionne pas comme Dieu.

Le monde choisit toujours le plus fort, la plus belle, le plus riche, celui qui a eu le plus de voix à l’élection, le plus puissant, le meilleur club.

Mais Dieu, lui, choisit différemment. Il va choisir celui ou celle qui a la plus belle âme. Ça change tout, évidemment.

Des fois, c’est la même personne ! On peut être musclé et avoir une très belle âme, pourquoi pas ? Mais c’est l’âme qui est importante pour Dieu, pas l’apparence.

Seulement le monde ne comprend pas cette manière de réfléchir et la prend même parfois pour de la faiblesse. La deuxième lecture le disait très bien, la lettre de Jean : « Voici pourquoi le monde ne nous connaît pas : c’est qu’il n’a pas connu Dieu. »

Et ça, c’est sacrément rassurant, je trouve, de se rappeler que Dieu raisonne à sa manière et non pas comme raisonne le monde.

Vous vous croyez insignifiant, pas important, incompétent, incapable de faire telle ou telle chose ? Si on vous appelle à un service quelconque, vous dites : « Ouh là là, non, alors ça ! Ça, c’est vraiment pas pour moi ! Moi je ne sais pas du tout faire ça !

Vous vous croyez incapable de porter du fruit ?

Comme avec Abraham, vous serez surpris de découvrir ce que Dieu est capable de faire avec vous !

Vous vous croyez inapte à servir Dieu en Eglise parce que la Bible, c’est compliqué, et puis c’est réservé à des spécialistes… et puis vous, vous n’avez jamais fait de théologie… Mais vous croyez qu’il avait une licence en théologie, Pierre ? Il n’est jamais allé à l’université, hein ! C’était un pêcheur. Il prenait du poisson. Et encore, pas tous les jours ! Pourtant c’est le premier pape.

Dieu nous appelle, chacune, chacun avec ses critères à lui. Y compris ceux qui ont déjà fait beaucoup de choses pour la communauté ici ou là, celles et ceux qui en font encore beaucoup maintenant, les sacristains, la chorale même si elle n’est pas encore là – ça va reprendre ! – les lectrices, les lecteurs, les auxiliaires de l’Eucharistie…

Dieu nous appelle chacune, chacun, non pas avec les critères du monde, parce qu’on serait le meilleur pour cette tâche-là, mais parce qu’il connaît ce qu’il y a dans notre cœur. Avec ses critères à lui, de bonté, de qualité d’âme… Il regarde cela, lui.

Pas nos notes à l’école, pas notre compte en banque, pas nos kilos ou nos rides, pas notre faculté à comprendre ou non les dernières inventions de la soi-disant technologie moderne, pas notre faculté à utiliser un smartphone, Dieu ne regarde pas cela ! Il ne regarde pas à la manière du monde.

Et si le monde vous a rejeté, une fois ou l’autre, ou s’il vous rejette encore, dites-vous que c’est peut-être même bon signe.

Parce que Dieu, lui, vous choisit, chacune, chacun de vous. Il vote pour chacune, chacun de vous. Parce qu’il voit le fond de votre cœur.

Et aujourd’hui encore, il vous appelle, Chacune, Chacun, même les plus petits. Il vous appelle à quelque chose. Peut-être au service du quartier, de la ville, d’un village, de la communauté, de la paroisse, ou d’autres, allez savoir… Il vous appelle à quelque chose non pas malgré nos faiblesses mais AVEC nos faiblesses, parce que lui, il sait quoi en faire.

Alors si vous lui dites : « Oh Seigneur, non, non je ne suis vraiment pas la bonne personne pour ça… », eh bien souvenez-vous d’Abraham le vieillard, de son épouse stérile, souvenez-vous de Moïse le bègue, souvenez-vous de Jésus le crucifié…

Dieu vous choisit. Chacune. Chacun. Vous êtes précieux à ses yeux. Chacune. Chacun. Et avec lui, vous pouvez faire de grandes choses. Alors faisons-lui confiance : il sait ce qu’il fait quand il appelle quelqu’un.

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Aigle, dimanche 25 avril 2021, 10.00

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  1. Seydoux Fabienne

    Bonjour,
    Merci pour vos magnifiques homélies que j’attends et écoute toujours avec plaisir. Comme les paraboles de Jésus, elles appuient sur le concret de nos vies ainsi le ou les messages véhiculés sont plus accessibles. Celle intitulée « Que le plus faible gagne » m’a particulièrement touchée et fait réfléchir. Je vais la garder précieusement afin de voir les personnes que je côtoie et particulièrement les plus vulnérables ainsi que mon engagement pastoral de manière différente.
    Bien à vous.
    Fabienne Seydoux

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