Marie-Madeleine et nous…

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Image : Marie-Madeleine et Jésus, d’après Fra’ Angelico (San Marco, Florence)

 

Homélie pour le JOUR DE PÂQUES

Actes 10,34a.37-43  /  Psaume 117  /  Colossiens 3,1-4 / Jean 20, 1-9

 

> Une homélie n’est faite ni pour être lue ni pour être vue en vidéo, c’est un exercice oral. Vivez l’expérience pleinement en l’ECOUTANT :

 

Chers Amis,

 

Vous tous qui êtes ici ce matin, si je vous dis « Marie-Madeleine », quel est le premier mot qui vous vient en tête ?

 

Je suis sûr que, malheureusement, pour plusieurs d’entre vous, c’est le mot « pécheresse » voire pire, le mot « prostituée ».

 

Ces deux mots attribués à Marie-Madeleine sont une terrible erreur, qui est due à un pape du 6e siècle, Grégoire le Grand, les papes font aussi des erreurs parfois, dans l’histoire.

 

Ce n’est pas une pécheresse, ce n’était pas une prostituée. On l’a confondue avec deux autres femmes dont nous parle la Bible, mais la Bible ne dit jamais de Marie-Madeleine qu’elle serait l’une de ces deux autres femmes.

 

Ce que nous dit la Bible, véritablement, c’est que cette Marie-là venait du village de Magdala, d’où son surnom de Marie de Magdala ou Magdeleine, qui a donné Madeleine ensuite.

 

La Bible nous dit aussi qu’elle était disciple de Jésus, qu’elle le suivait, il n’y avait donc pas que des hommes comme on l’entend trop souvent encore aujourd’hui. D’ailleurs la Bible nous dit qu’il n’y avait pas qu’elle, il y avait d’autres femmes avec le Christ.

 

La Bible nous dit aussi qu’elle avait jadis sept démons qui sont sortis d’elle grâce à Jésus, qu’elle a été guérie par le Christ.

 

Le fait d’avoir des démons en soi ne fait pas d’elle une pécheresse, chacun nous avons nos démons, cela ne fait pas de nous des prostitués, que je sache.

 

Du 6e siècle où Grégoire le Grand a sali la belle figure de Marie-Madeleine jusqu’à nos jours, il aura fallu attendre 13 siècles, 1300 ans, pour qu’un autre pape, François, déclare il y a deux ans en 2016, qu’elle était non seulement une personne importante, disciple de Jésus, mais qu’elle était l’Apôtre des Apôtres, c’est son titre depuis 2 ans maintenant.

 

François l’a déclarée Apôtre des Apôtres et, ce faisant il a mis à l’honneur le jour de sa fête, le 22 juillet. Ce n’était jusque-là qu’un jour où l’on faisait simplement mémoire d’elle, et depuis deux ans c’est une fête, le 22 juillet.

 

L’Eglise, enfin, reconnaît celle dont les mérites sont grands.

 

Si je vous parle de la Madeleine, comme on la surnomme parfois, ce n’est pas parce que vient de sortir au cinéma un film qui retrace son histoire – film que je vous encourage à voir, d’ailleurs, car il est remarquable – mais c’est parce que c’est la première personne dont nous parle l’Evangile de la Résurrection que nous venons de réentendre.

 

Et c’est tout à fait surprenant ! Pour l’Evangile de la Résurrection, on aurait pu attendre que la première personne dont on parle ce soit… je ne sais pas, moi… Jésus, par exemple, ou la Vierge Marie, par exemple, ou Simon-Pierre, sur qui va être bâtie l’Eglise, par exemple, non…

 

La première personne dont parle le texte de la Résurrection, c’est Marie-Madeleine. Et dans la Bible, quand quelqu’un est cité en premier ce n’est jamais innocent.

 

C’est étonnant qu’on ait mis 13 siècles à comprendre son importance alors que l’Evangile de Jean nous l’écrit noir sur blanc : la première à qui il est donné de voir le tombeau ouvert, c’est elle. La première, dans un autre passage, à qui il est donné de rencontrer le Ressuscité au jardin, c’est elle.

 

Pas Pierre, sur lequel Jésus bâtit son Eglise.

 

Pas Jean qui signe pourtant l’Evangile… il aurait pu se mettre en avant ou vouloir le faire.

 

Et aucun des autres hommes dont les pages précédentes nous ont pourtant abondamment parlé. Les Douze, ou les Onze si on enlève Judas.

 

Ce n’est pas un homme qu’on met en avant, c’est une femme, Marie de Magdala.

 

Comme si on voulait nous faire comprendre, Mesdames, votre importance essentielle dans l’approche du mystère de la vie, ce mystère que nous fêtons en ce jour de la Résurrection, ce mystère de la vie que vous portez en vous. Et nous, pas, Messieurs.

 

La Résurrection c’est la fête de la vie. Ce n’est d’ailleurs pas innocent qu’elle tombe toujours au début du printemps, quelle que soit la date de Pâques. C’est toujours relativement au début du printemps, jamais en hiver. Parce que la fête de la Résurrection, c’est la fête de la vie qui revient, de la vie qui a vaincu l’hiver de la mort.

 

Marie-Madeleine en est le signe, le témoin privilégié, et il est heureux que l’on commence enfin à s’en souvenir.

 

Que se passe-t-il ensuite dans notre texte de ce matin ? Les deux disciples courent, ils ont été alertés par Marie de Magdala…. Oui, Mesdames, les hommes ont toujours un temps de retard pour comprendre, vous le savez bien…

 

Il y en a deux, de ses disciples. Un qu’on nomme Pierre et l’autre qu’on nomme d’un nom étrange « le disciple que Jésus aimait ».

 

Et là aussi, attention à l’erreur historique qu’on a faite pendant des siècles.

 

On a longtemps identifié ce disciple, ce « disciple bien-aimé », à Jean. On se disait que, puisqu’il a écrit cet Evangile, c’est logique qu’il se mette un petit peu en avant et donc qu’il se prénomme lui-même de ce beau nom de « disciple que Jésus aimait ».

 

Mais on vient de voir que justement non, Jean ne s’est pas mis en avant avec Marie-Madeleine, pourquoi le ferait-il ailleurs dans son texte, alors ? Cela n’a pas de sens.

 

On a peu à peu compris – et ce n’est encore pas le cas de tous les théologiens loin s’en faut – que le « disciple que Jésus aimait », c’est une figure de style pour nous représenter nous. Vous, moi, chacun de nous.

 

Jésus aime chaque personne qui tente de le suivre comme disciple. Et c’est bien ce qui nous caractérise tous ce matin. Nous essayons, avec plus ou moins de facilité, avec nos faiblesses, nous essayons de suivre Jésus, en étant là ce matin. Nous nous mettons à son école – un « disciple », « discipulus » en latin, c’est un « élève ». Nous nous mettons à son école, nous sommes disciples. Que nous venions souvent ou non à l’église, peu importe : nous sommes là ce matin, nous sommes disciples du Christ. Et il aime, il témoigne de son Amour à chacun de ses disciples, à vous tous ce matin.

 

Si on relit l’Evangile de Jean – si vous avez le temps, faites-le ! – si on relit l’Evangile de Jean avec cette idée-là en tête – que le « disciple bien-aimé » c’est nous – alors ça change tout. Ça ouvre des perspectives vertigineuses dans ce texte biblique !

 

Dans notre épisode de ce matin – si on se met à la place du disciple bien-aimé, qu’est-ce que ça donne ?

 

Alertés par un témoin de la Résurrection, une femme, nous courons au tombeau. C’est ce que nous avons fait ce matin : nous sommes venus !

 

Mais nous n’osons pas entrer. Vous avez remarqué ? Les églises, c’est comme les bouteilles, ça se remplit d’abord par le fond ! D’ailleurs ce premier banc vide dit bien cela… alors que le dernier n’est jamais vide ! C’est exactement ce qui est dit là : le disciple bien-aimé, il arrive… mais il n’ose pas aller devant, il n’ose pas rentrer, c’est nous… c’est nous ! Oh, j’étais comme vous, quand j’étais à votre place, je me mettais au fond…

 

Continuons… qu’est-ce qui se passe ensuite ? On est restés… on n’a pas fait le tout dernier pas qui nous aurait permis d’entrer dans le tombeau, il manque juste un petit truc qui ferait la différence. Mais… nous sommes humains, c’est comme ça.

 

Qui nous rejoint alors ? Pierre. Pierre s’appelle François, aujourd’hui, c’est le chef de l’Eglise. Lui, il ose faire le pas que nous n’osons pas faire. Il ose non pas être dans les bancs mais se mettre ici devant. Il ose faire un pas de plus – et Dieu sait si ce n’est pas facile ! – il ose entrer dans le tombeau. C’est le premier de cordée, et il nous en faut ! Quand on va en montagne, on le sait bien, l’importance de celui qui est devant, qui donne le rythme…

 

Dieu sait si nos papes ont fait des pas remarquables et très osés parfois – ils n’ont pas fait que des erreurs, Dieu merci !

 

Vous voyez comme ce texte spirituel qu’est l’Evangile de Jean prend toute sa profondeur quand on le voit à cette lumière-là ? Ce n’est pas un texte vieux d’il y a deux mille ans, c’est un texte qui traverse les âges, toujours jeune, qui s’adresse toujours à ceux qui le lisent dans le présent de leur vie, comme nous ce matin.

 

C’est un texte pour nous, aujourd’hui, qui nous parle de nous. Nous, les disciples bien-aimés.

 

Et c’est vrai que, dans nos vies, nous sommes parfois très prompts à courir… Qui ne connaît pas le stress ?… Mais parfois il nous manque juste de concrétiser… on a besoin d’un premier de cordée, on a besoin de notre saint père, et nous avons besoin aussi en amont, de témoins pour nous transmettre la foi, pour nous mettre en route, vous, Mesdames. Car c’est Marie-Madeleine qui a joué ce rôle-là, dans l’Evangile.

 

Partout où la foi chrétienne a été interdite pendant des décennies, prenez l’ex-union soviétique par exemple, ou bien la Chine communiste de l’époque, partout ce sont des femmes, des mères, des grands-mères qui l’ont perpétuée en cachette, cette foi, apprenant discrètement à leurs enfants ces prières que nous connaissons, Je vous salue Marie, Notre Père, Je crois en Dieu… Moi aussi, d’ailleurs, c’est ma maman qui me les a apprises, ces prières-là.

 

Le danger, voyez-vous, a toujours été de zoomer sur un personnage à l’exclusion des autres.

 

L’Eglise a besoin d’un chef, d’un premier de cordée. Mais si on ne voit que Pierre ou que les hommes qui étaient avec Jésus, on fait une erreur machiste, que l’Eglise a commise pendant des siècles.

 

L’Eglise a besoin des femmes, des témoins qui transmettent la foi. Mais si on ne fait que zoomer sur Marie-Madeleine, on va faire une autre erreur, féministe cette fois-ci (dans le mauvais sens du terme parce qu’il y a de bons féministes, évidemment) mais on va faire une autre erreur, à l’inverse.

 

L’Eglise a besoin du disciple bien-aimé, de chacune, chacun de vous. Si on zoomait seulement sur les personnages célèbres, on ferait l’erreur colossale de vous laisser de côté… Or, elle a besoin de vous tous… Pour courir au tombeau, pour aller annoncer au monde, ensuite, que Jésus est ressuscité.

 

Le Christ a besoin, voyez-vous, de chacune, de chacun. Chacun à sa place. Et ça aussi, me semble-t-il, au matin de Pâques, c’est une sacrée bonne nouvelle !

 

Alors n’oublions pas, Chers Amis, que chacune, chacun, a sa place. Que ce soit au dernier banc ou que ce soit à l’autel, dignement, pleinement, chacun de vous fait partie de l’Eglise.

 

Parce que l’Eglise avec un grand « E », c’est pas le pape, les prêtres, les évêques… C’est l’ensemble des baptisés, 2,4 milliards de personnes dans le monde. C’est tout simplement la plus grande famille de la terre.

 

Et elle est en fête aujourd’hui ! Alors Joyeuses Pâques !

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Vex, dimanche 1er avril 2018, 10.00

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  1. Hermine Pralong

    Je viens de voir le film de Marie-Madeleine et je réalise combien elle était l’Amie du Christ. J’aurai aimer être à sa place car à l’heure actuelle il me semble que je ne lui ressemble pas. Que d’efforts à faire, j’essaye d’en prendre le chemin. Merci pour ton homélie, elle m’aide beaucoup.

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