Homélie pour la solennité de Pentecôte
Actes 2,1-11 / Psaume 103 / 1 Corinthiens 12,3-13 / Jean 20, 19-23
> Pas de version audio enregistrée pour cette homélie.
Chers Amis,
Quand un enfant rencontre un évêque, ça peut donner de savoureuses discussions.
Un des évêques que je connais s’est trouvé au milieu d’un groupe d’enfants qui venait de travailler le texte de la Pentecôte, dans le livre des Actes, que nous avons ré-entendu en première lecture il y a quelques minutes.
Alors que l’évêque demandait aux enfants ce qui se passe dans cet épisode de la Bible, l’un d’eux lève la main, tout fier, et se met à raconter.
– C’est l’Esprit Saint ! Il est tombé sur la tête des Apôtres. C’était du feu !
L’évêque joue les surpris :
– Du vrai feu, tu crois vraiment ? C’est dangereux, ça !
L’enfant réfléchit quelques secondes puis explique :
– Oui, ça brûle, le feu. D’ailleurs les moines qui ont reçu l’Esprit Saint, ils n’ont plus de cheveux sur le dessus de la tête. L’Esprit a tout brûlé !
Tout comme vous chers Amis, l’évêque riait de bon cœur. Mais sa joie fut de courte durée car le petit garçon montrait à présent du doigt le petit calot violet posé sur la tête de l’homme d’Eglise :
– D’ailleurs, vous, Monseigneur, il ne peut pas vous tomber dessus, vous avez une protection contre l’Esprit Saint !
Blague à part, en repensant à cette anecdote pour préparer cette fête, je me suis demandé si nous aussi, nous ne mettions pas en œuvre, parfois, de sacrées protections contre l’Esprit.
Jésus souffle sur les Apôtres, dans l’Evangile, répandant sur eux l’Esprit. Juste avant, il leur avait dit : «Moi aussi, je vous envoie ! »…
Combien de fois, envoyés par le Christ pour telle ou telle tâche de nos vies, mettons-nous des obstacles au souffle de l’Esprit ?
– Quoi, moi ? Mais non, Seigneur, ça doit être pour quelqu’un d’autre, moi je suis trop insignifiant, je ne saurai jamais, je n’aurai jamais la force, j’ai déjà donné tant d’années à ma paroisse, et puis de toutes façons je n’y connais rien, il y a d’autres personnes bien mieux formées que moi…
… Rayez les mentions inutiles…
Autant de petits calots que nous vissons soigneusement sur nos têtes pour éviter de recevoir l’Esprit.
C’est pire encore quand on nous demande de parler au nom de Dieu, alors là…
– Aller leur parler, moi ? Non mais ça va pas ? Je ne suis pas théologien, moi ! Et puis d’autres feront ça très bien !
Mais pourtant, dans le livre des Actes, chacun parle. Les langues paraissent étranges, au départ, mais au final chacun comprend dans sa propre langue.
Voilà le secret d’une bonne théologie : parlez le langage des gens que vous rencontrez. Vous aurez beau faire une conférence extraordinaire, une prière incroyablement touffue, une réflexion à la Thomas d’Aquin avec des arguments, des arguments contraires, des preuves, des déductions… C’est très joli mais si vous avez face à vous quelqu’un de… disons normal, vous avez peu de chances de le rejoindre.
Parlez simplement, dites ce que Dieu change dans votre vie, pourquoi vous êtes là ce matin, quelle est l’importance de cette petite hostie que vous venez chercher, ça vous pouvez tous le dire avec vos mots à vous.
Et ça, ça parlera autour de vous. Votre simple témoignage vaut toutes les explications théologiques et toutes les prières du monde, vous savez. Ça, ça évangélise ! Là, vous faites passer l’Esprit Saint, sans obstacles !
Vous vous dites peut-être que ce n’est pas votre rôle. Mais là je dégaine la deuxième lecture, la lettre de Paul aux Corinthiens, qui nous rappelle que les dons de la grâce sont très variés mais qu’il s’agit toujours du même Esprit.
Que les fonctions dans l’Eglise sont variées, les fidèles et ceux qui sont à leur service, les prêtres, les religieuses, les évêques, les gens qui chantent, ceux qui lisent, ceux qui n’aiment pas cela mais qui prient plus profondément encore dans le silence de leur cœur, les grands-mamans qui transmettent un chapelet à leurs petits-enfants, les parrains et marraines qui veillent sur leurs filleuls, les originaux qui comprennent peut-être bien mieux Dieu que les autres, et puis ceux qui cherchent Dieu, aussi.
Les fonctions sont très variées, mais c’est toujours le même Esprit. C’est donc à nous tous que Jésus dit « Moi aussi, je vous envoie ! »
C’est sur nous tous que l’Esprit veut répandre son feu, pas pour nous brûler les cheveux, mais bien pour allumer un brasier dans nos cœurs, histoire qu’à notre simple contact, sans grandes paroles, les autres se disent qu’il est impossible que Dieu n’existe pas.
Les gens parlaient en langues nouvelles, au jour de la Pentecôte. Et si on essayait la langue du coeur, dites ?
Alors, chers Amis, laissons l’Esprit répandre son feu sur nous, et soyons ses témoins dans la simplicité de notre langage, dans le concret de nos vies, dans la ligne de notre vocation, sans chercher de grands discours et des prières compliquées, sans se revêtir la tête de calots épiscopaux ou non pour nous protéger des flammes saintes, mais simplement en ouvrant nos cœurs et en redisant les mots de la séquence de Pentecôte :
Viens, Esprit Saint, en nos cœurs
et envoie du haut du ciel
un rayon de ta lumière !
Amen !
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Version revue et corrigée en 2017 de l’homélie prononcée au
Carmel de Bayonne, dimanche 8 juin 2014, 8.30
Philippe Boehler
Magnifique….
http://youtu.be/sVqalU2yKjI