L’Evangile des Banquiers ? Pas vraiment !

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Homélie pour le 33e dimanche TO, année A

 

Proverbes 31,10-31 / Psaume 127 / 1Thessaloniciens 5,1-6 / Matthieu 25, 14-30

 

NOTA BENE : en raison du Coronavirus, en 2020 je n’ai pas prêché publiquement en ce 33e dimanche. Voici le texte de ma prédication sur ces mêmes textes il y a quelques années.

 

> Une homélie n’est faite ni pour être lue ni pour être vue en vidéo, c’est un exercice oral. Vivez l’expérience pleinement en l’ECOUTANT :

 

Chers Amis,

Quand j’étais petit, à peu près comme Sélène et Célia [NDLR : les deux servantes d’autel de ce matin-là] au catéchisme, on me faisait dessiner les petites pièces de l’histoire que nous venons de ré-entendre. On dessinait les cinq pièces qu’a reçues le premier, on dessinait les deux pièces qu’a reçues le deuxième, et puis on dessinait la pièce qu’a reçue le dernier. Et puis on les coloriait en jaune parce que… on imaginait bien des pièces d’or… des talents, on savait pas trop ce que c’était, nous…

Et puis on nous racontait l’histoire que vous avez ré-entendue, comme quoi le premier serviteur avait fait fructifier ses cinq pièces à la banque et en avait gagné cinq autres, et puis le deuxième les avait fait fructifier et en avait gagné deux autres, et puis… et puis le troisième avait probablement fait un mauvais placement puisqu’il n’avait rien gagné. Interprétation helvétique de l’évangile qu’on appelle parfois l’évangile des banquiers…

Ça partait certainement d’une bonne idée de la part de nos catéchistes, à la base.

Mais à l’arrivée le résultat est catastrophique : parce qu’on croit que c’est une histoire d’argent, et qu’il s’agit de placer notre argent à la banque et de le faire fructifier. Alors qu’en réalité, c’est une parabole ! C’est donc une image, ça vient nous raconter autre chose…

Parce que si on le prend au pied de la lettre, ce texte, parvenus à la fin de l’histoire on se dit que le maître est sacrément injuste ! Il enlève le peu que le dernier a pour le donner à celui qui a le plus.

Les paraboles ne doivent jamais être prises au pied de la lettre. Comme le reste de la Bible non plus, d’ailleurs.

Alors, chers Amis, nos Bibles sont faites pour être lues …mais aussi les petites notes qui se trouvent en bas des pages. Parce qu’elles nous apprennent beaucoup de choses, et elles nous évitent de prendre le texte au pied de la lettre.

C’est ainsi que, si vous retrouvez ce texte dans vos Bibles, vous découvrirez ce qu’est un TALENT, à l’époque de Jésus. C’est loin d’être une simple pièce de monnaie. Un talent, c’est 6’000 salaires d’une journée de travail. 6’000 jours de travail, ça fait déjà plusieurs années ! Bon courage si vous voulez dessiner, les pièces, hein !

Alors je vous raconte pas celui qui en a reçu 5… ça fait 30’000 fois le salaire le salaire d’une journée de travail, c’est plusieurs vies… Vous voyez bien qu’il y a certainement quelque chose de symbolique à comprendre. Parce que, si on voulait dessiner les 30’000 journée de travail, on aurait de la peine ! On est loin des petites pièces de monnaie…

Un « talent reçu du Maître », qu’est-ce que ça peut vouloir dire, alors ?…

Une des options, qui est déjà très intéressante, consiste à identifier ces talents à nos charismes, nos qualités, les dons que nous avons reçus. Et qu’il s’agit donc de faire fructifier, pas de cacher !

– Tu es bon en maths ? Fais-en quelque chose.

– Tu es meilleur en sport ? Fais-en quelque chose !

– Tu es un as pour te faire des amis ? Fais-en quelque chose !

– Tu es un artisan, tu travailles le bois ? Fais-en quelque chose.

– Tu es boulanger ? Fais-en quelque chose. … comme notre Nicolas.

Et déjà là, c’est pas facile ! Parce que souvent on ne veut pas trop se mettre en avant quand on a des qualités – et on en a tous, hein ! Des fois, on les cache un peu, nos qualités, nos talents. C’est dommage ! C’est exactement comme si celui qui est bon en maths faisait exprès de faire une mauvaise note à son examen ! Ce serait ridicule ! Autant faire quelque chose de notre talent !

– Tu as reçu un talent ? Fais-en quelque chose !

Tu es une femme aux multiples dons ? (c’est le cas de vous toutes, Mesdames !) Eh bien fais-en quelque chose pour ton mari, nous disait le livre des Proverbes, la première lecture. Messieurs… ça marche aussi dans l’autre sens, hein ! Tu es homme aux multiples talents ? (et c’est votre cas à vous tous !) Fais les fructifier pour ton épouse ! Et si tu n’es pas marié, fais-les fructifier pour la communauté !

Or si on relit l’évangile de Matthieu avec ces lunettes-là, on s’aperçoit que le dernier serviteur… il a justement caché son talent. Il l’a même – et c’est plus grave aux yeux de la loi juive de l’époque – il l’a enfoui dans la terre. Ce sont les morts qu’on enfouit dans la terre. Il l’a pas seulement caché dans l’armoire, il l’a fait mourir, son talent. Et il l’a fait, vous l’avez entendu, PAR PEUR. Par peur de son Maître. Comme si nous, nous avions peur de Dieu, ce serait absurde.

Dieu nous a donné des talents, à nous de les faire fructifier ! N’ayons pas peur de lui, ne les cachons pas, ne les faisons pas mourir, ces talents…

La peur est bien mauvaise conseillère, dans nos vies. Et Jésus nous le dit tous ces dimanches, dans les différents textes que nous abordons.

Tout cela prend donc une coloration très éloignée des guichets de banques, avec tout le respect qu’on a pour les banquiers… C’est pas tout à fait une histoire de sous…

Mais ce n’est pas tout. Car rappelez-vous ce qu’a fait le premier serviteur de ces cinq talents. Vous vous rappelez ? Il les a fait fructifier, il en a gagné cinq autres… mais, chers Amis, il l’a fait… UNE FOIS. Il aurait  très bien pu le faire plusieurs fois ! Il aurait pu en gagner 15, 20, 50, 1000, non ?

Alors, vous vous dites peut-être : « Il n’a pas eu le temps ! » Le texte vous répond : « Eh si ! »

Il y a un petit mot qu’on n’entend jamais, et qui pourtant était là : le Maître est revenu LONGTEMPS après. Et le serviteur a fait fructifier AUSSITÔT ses talents… Ces deux petits mots sont importants ! Il avait tout à fait le temps de le faire plusieurs fois, et il ne l’a pas fait.

On pourrait très bien dire : « C’est pas un bon serviteur, alors ? » Eh bien non. Vous l’avez entendu, quand le Maître revient, il dit « Bon serviteur ! Tu as été fidèle en PEU DE CHOSES. » …puisque tu as fait fructifier une seule fois ce que tu as reçu… mais c’est bien, « entre dans la joie de ton Maître ! »

Transposé sur le terrain de nos qualités, qu’est-ce que ça vient dire ?

Que Dieu ne nous demande pas la Lune ! Il ne nous demande pas de faire des miracles dans nos vies. Il nous demande de faire fructifier au moins UNE FOIS ce qu’il nous a donné. Juste une fois ! Un seul examen de maths réussi, c’est possible quand même… quand on est bon en maths ! Et puis si on le fait plusieurs fois, bah tant mieux. Mais il nous demande juste une fois, il nous demande pas des miracles. Il nous demande juste de ne pas le cacher. De ne pas enfouir cette qualité que nous avons reçue.

Une autre interprétation va un petit peu plus loin encore. Ces talents que nous avons reçus, c’est peut-être bien la VIE. Parce que vous avez remarqué, il y en a un qui en reçoit 5, un autre 2, un autre 1… et on ne comprend pas bien pourquoi. De quel droit ? Eh bien c’est comme nos années de vie, chers Amis. Il y en a qui en ont 80… 90… et puis il y en a qui en ont 50… et puis il y en a qui en ont 20… Et on comprend pas bien pourquoi, on trouve ça injuste. On ne sait pas pourquoi il y en a un qui reçoit cinq talents et l’autre un. Mais ce n’est pas ça l’important ! L’important c’est d’en faire quelque chose !

Et comme nous ne savons pas quand notre vie va s’arrêter – c’est la deuxième lecture qui nous le disait – eh bien autant faire quelque chose aussitôt, rapidement de ce que nous avons reçu. Fais quelque chose de ta vie, nous dit ce texte. Au moins une fois. Ce n’est pas trop demander !

Enfin, on peut aussi imaginer que ces talents, c’est la quantité de FOI que nous avons reçue.

Certains en ont reçu des tonnes, ils ont une foi qui déplacerait les montagnes ! Et puis d’autres en ont reçu un peu, et ils doutent, ils se posent plein de questions. Ils viennent parfois ici à la messe en disant : « Oh moi, vous savez, je ne suis pas très croyant, je ne suis pas très pratiquant, mais je suis là… » Et le Seigneur vous dit : « Tant mieux ! On ne vous demande pas de déplacer la Dent Blanche avec votre foi… On vous demande juste d’en faire quelque chose, une fois, au moins ! »

Et si ce quelque chose, c’est une prière, c’est un cri vers le ciel, c’est pour dire : « Seigneur, pourquoi ? »… eh bien c’est déjà quelque chose.

Parce que, si on dit « Seigneur, pourquoi ? », si on s’adresse à lui, c’est qu’on croit en lui. Sinon, on ne s’adresserait pas à lui.

C’est à la portée de tout le monde, du coup, de faire porter – au moins une fois – du fruit aux talents que nous avons reçus. Chacun de nous peut le faire.

Demandons donc, chers Amis, la grâce d’ouvrir les yeux sur ces talents que nous avons reçus. Certains, nous les recevons au début de notre vie, d’autres… ils arrivent pendant notre vie : on a des capacités nouvelles, on a des qualités nouvelles, on a des années de vie nouvelles… Demandons à Dieu de nous ouvrir les yeux sur ces dons que nous recevons, sur la vie que nous avons reçue de nos parents, sur la Foi que nous avons reçue de Dieu…

Et ne cachons pas ce que nous avons reçu par peur, ne l’enfouissons pas dans le sol, mais faisons-le fructifier. Au moins une fois, tout simplement. Et alors, un jour, Dieu nous dira : « C’est bien, bon serviteur ! Entre dans la joie de ton Maître ! »

 

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Vex, samedi 18 novembre 2017, 18.30

Evolène, dimanche 19 novembre 2017, 10.30 (version enregistrée)

Euseigne, dimanche 19 novembre 2017, 18.00

…et dans une version légèrement différente jadis :

Vex, samedi 15 novembre 2014, 19.00

Hérémence, dimanche 16 novembre 2014, 9.00

Evolène, dimanche 16 novembre 2014, 10.30