Le Pape se met au Vert
Article paru dans « Le Nouvelliste » du 5 septembre 2015
Parue au moment où l’été pointait le bout de son nez, l’encyclique du Pape François « Laudato si’ » est une première dans bien des domaines. Il est bon de parcourir ce texte en ce « Temps pour la Création », une période proposée chaque année en Eglise depuis le début de septembre jusqu’au 4 octobre, fête de Saint François d’Assise.
Alors que la plupart des encycliques indiquent, sur leur page de titre, à qui elles sont destinées en priorité (aux évêques, aux prêtres, aux fidèles chrétiens, parfois à tous les hommes de bonne volonté…), « Laudato si’ » innove dès le début. C’est dans le texte que l’on découvre cette mention : « Je voudrais m’adresser à chaque personne qui habite cette planète. » (n°3) Le ton est donné : personnel (en « je »), et universel. Il ne s’agit pas que des hommes de bonne volonté, il s’agit de tous. Sans distinction de race, de croyance, de culture.
Loin d’être tiède
Le Saint Père n’use pas de la langue de bois. Notre terre « crie en raison des dégâts que nous lui causons par l’utilisation irresponsable et par l’abus des biens que Dieu a déposés en elle. Nous avons grandi en pensant que nous étions ses propriétaires et ses dominateurs, autorisés à l’exploiter. » (n°2).
Le constat est effectivement alarmant, concernant ce que François appelle notre « maison commune ». Sa vision à lui, l’Argentin, est pourtant loin d’être un lieu commun écologique. Il affirme notamment l’importance de l’émerveillement (n°11), la qualité du regard sur la beauté de ce qui nous entoure, un thème que l’on retrouve fort peu dans les programmes politiques.
Concernant le diagnostic posé sur notre planète, la surprise est également au rendez-vous. Si François pointe du doigt des questions attendues (déchets, eau, biodiversité), il se fait politiquement incorrect au bout de quelques pages : « Il se crée en général un cercle vicieux où l’intervention de l’être humain pour résoudre une difficulté, bien des fois, aggrave encore plus la situation. » (n°34).
La question du consumérisme à outrance est évidemment pointée du doigt. Mais elle aboutit à un constat d’orgueil, ce qui est nouveau : « En regardant le monde, nous remarquons que ce niveau d’intervention humaine, fréquemment au service des finances et du consumérisme, fait que la terre où nous vivons devient en réalité moins riche et moins belle […]. Il semble ainsi que nous prétendions substituer à une beauté, irremplaçable et irrécupérable, une autre créée par nous. » (n°34)
Egale dignité
François insiste sur l’égale dignité de tous les êtres humains et fustige certains comportements, en apparence respectueux de l’environnement : « L’incohérence est évidente de la part de celui qui lutte contre le trafic d’animaux en voie d’extinction mais qui reste complètement indifférent face à la traite des personnes, se désintéresse des pauvres, ou s’emploie à détruire un autre être humain qui lui déplaît. » (n°91).
Loin pourtant d’être un Cassandre sans solution, François propose des chemins à suivre et insiste, avec des accents Kennediens, sur la nécessité de les suivre ensemble : « Nous avons besoin de renforcer la conscience que nous sommes une seule famille humaine. Il n’y a pas de frontières ni de barrières politiques ou sociales qui nous permettent de nous isoler, et pour cela même il n’y a pas non plus de place pour la globalisation de l’indifférence. » (n°52).
Des solutions
Sa solution ? Une « écologie sociale » qui prenne réellement en compte les droits des plus défavorisés, et qui retrouve des accents spirituels : « L’homme est nu, exposé à son propre pouvoir toujours grandissant, sans avoir les éléments pour le contrôler. Il peut disposer de mécanismes superficiels, mais nous pouvons affirmer qu’il lui manque aujourd’hui une éthique solide, une culture et une spiritualité qui le limitent réellement et le contiennent dans une abnégation lucide. » (n°105).
L’écologie papale est donc « intégrale », c’est le titre de son 4e chapitre. Elle se doit d’être environnementale, bien sûr. Mais aussi économique, sociale, culturelle, intergénérationnelle, vécue au quotidien selon le principe du bien commun – le bien commun ultime étant notre « maison commune ». Les grands sommets écologiques peuvent bien s’organiser : tant que chacun a en tête le bien de son pays au-dessus du bien de la planète, ils sont stériles (n°167-168).
Un texte d’actualité
Un texte écrit en lettres de feu, qui invite au dialogue. A lire ou à relire en ces jours car, comme le disait notre évêque, Mgr Jean-Marie Lovey, dans sa lettre aux Eglises du diocèse pour préparer le « temps pour la Création » du mois de septembre : « En cette année jubilaire, où nos montagnes se sont illuminées pour marquer les 200 ans de l’entrée du Valais dans la Confédération, nous avons à veiller pour que la création tout entière puisse, par sa beauté, continuer à chanter la gloire de son Créateur et à demeurer un milieu au service de la vie. »
Abbé Vincent Lafargue
> Pape François, Lettre encyclique « Laudato si’ », 190 p. chez Parole et Silence.
> Infos sur le « Temps pour la Création » : www.oeku.ch
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