Le gel hydroalcoolique pour la langue

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Photo : morand.ch

 

Homélie pour le 22e dimanche TO, année B

Deutéronome 4,1-2.6-8 / Psaume 14 / Jacques 1,17-18.21b-22. 27 / Marc 7,1-8.14-15.21-23

 

> Une homélie n’est faite ni pour être lue ni pour être vue en vidéo, c’est un exercice oral. Vivez l’expérience pleinement en l’ECOUTANT :

 

Chers Amis,

 

Il y a encore quelques années, si j’avais sorti ceci devant vous [sort un gel hydroalcoolique] seules les personnes appartenant au monde médical parmi vous auraient su me dire qu’il s’agit de gel hydroalcoolique.

Pour la plupart d’entre nous, nous ne connaissions pas cela.

Aujourd’hui tout le monde connaît, tout le monde !

Et non seulement on connaît mais on sait même que tel gel colle aux mains, que tel autre devient gluant quand on le passe sous l’eau, que tel autre encore a une odeur épouvantable… ce qui n’est pas le cas du mien qui est à la Williamine et à la menthe, je vous recommande.

Je vous recoMorande même, si j’ose dire…

Non seulement nous savons cela mais, ce qui est plus essentiel, nous savons aussi utiliser ce gel.

On a tous appris à se laver correctement les mains, vous êtes d’accord ? Ah oui ! Jadis, peut-être que tout comme moi, vous vous laviez les mains en cinq secondes chrono.

Aujourd’hui on sait que cela prend du temps, on connaît les gestes exacts à faire pour ne laisser aucune chance à un quelconque variant du CoVid, même le plus petit, même le variant appenzellois qui va apparaître tôt ou tard, on ne laisse aucune chance au CoVid parce qu’on sait maintenant se laver les mains.

Ça fait donc tout drôle de réentendre la page d’Evangile que nous venons d’entendre : les Pharisiens fustigent les disciples de Jésus parce que précisément ils ne se lavent pas correctement les mains avant de manger.

Du coup, du haut de nos deux années passées, on a clairement envie de dire à Jésus : hé, oh, Seigneur, les gestes barrières ! Vous n’avez pas vu l’affiche ? On se lave les mains !

Mais le débat est tout à fait ailleurs, Chers Amis, dans ce texte.

Bien sûr que Jésus, s’il revenait aujourd’hui avec ses disciples, se laverait correctement les mains et qu’il utiliserait ce genre de choses, évidemment.

Mais la question n’est absolument pas là.

Ce qu’il reste à inventer – et c’est ça le thème de cet Evangile – c’est le gel hydroalcoolique pour la langue.

Ne le faites pas avec ça, hein ! ça va vous emmener tout droit à l’hôpital !

Mais pourtant c’est la langue qu’il s’agit de purifier dans les textes que nous avons entendus.

Déjà à l’époque de Jésus c’était nécessaire. Il le dit aux Pharisiens, vous l’avez entendu : ça n’est pas tellement ce qui entre dans votre bouche qui est impur, c’est plutôt ce qui en sort. A chaque fois que vous critiquez, que vous jugez l’autre, c’est ce qui sort de votre bouche qui est impur.

Ça me rappelle nos grands-mamans qui lavaient les langues de leurs gamins au savon lorsqu’un vilain mot en sortait ! Peut-être que certains d’entre vous ont connu ça…

Et c’est vrai, le gel hydroalcoolique pour la langue, on ne l’a pas encore inventé. Et ça fait plus de deux mille ans qu’on en parle.

Parce que c’est bien joli de respecter les commandements à la lettre. C’est ce que faisaient les Pharisiens, les Docteurs de la Loi, ils respectaient les commandements à la lettre !

Mais encore faut-il ne pas enfermer les autres en les jugeant parce qu’ils ne font pas tout à fait comme-ci ou tout à fait comme-ça.

C’était déjà le cas du temps de Jésus. Il critiquait les Pharisiens, les Docteurs de la Loi, parce qu’ils enfermaient les autres dans le respect absolu de la moindre petite règle qui existait alors. Et il y en avait beaucoup !

La Loi est importante, d’ailleurs Jésus le dit dans un autre Evangile, il ne s’agit pas de l’abolir. Mais il faut lui donner du sens…

La Loi est faite pour que l’homme vive, pour qu’il respire, pour le rendre libre ! Pas pour l’enfermer.

Dieu nous a laissé des lois magnifiques, notre première lecture le disait très bien, le livre du Deutéronome. Avec ce conseil venu de Dieu que nous avons réentendu : vous garderez ces commandements, vous les mettrez en pratique avec sagesse.

Avec sagesse… ça sous-entend avec discernement, sans enfermer l’autre.

Et Jacques, dans la deuxième lecture, nous rappelait que les dons les plus parfaits viennent de Dieu, donc les commandements en font partie, évidemment.

Mais il ne suffit pas de les connaître ni de les appliquer à la lettre. Il faut encore mettre un frein à sa langue.

Et ça, c’est le psaume qui nous le redisait tout à l’heure : celui qui veut agir parfaitement met un frein à sa langue.

Or je ne sais pas si vous avez remarqué, Chers Amis, comme la pandémie a exacerbé la critique… Il paraît qu’il n’y a jamais eu autant de dénonciations qu’en ce moment. A faire pâlir les collabos de la deuxième guerre mondiale, dites donc !

On voit quelqu’un qui ne met pas son masque, la première chose qui nous vient en tête c’est de le critiquer ou de le dénoncer.

Enfin je dis « nous », j’espère que vous n’êtes pas comme ça…

On voit quelqu’un qui ne se lave pas correctement les mains en entrant dans un magasin, même chose !

Il y a même une police du CoVid, dites donc.

Alors ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit : je travaille en aumônerie d’hôpital, je vois le CoVid, je l’ai attrapé moi-même, je vois des gens mourir, c’est une saleté. Vraiment, c’est une belle saleté. Sur ce coup-là, le diable a fait très fort !

Il faut appliquer les gestes-barrières, il faut être intelligents ensemble, évidemment.

Mais ce n’est pas pour cela qu’il faut se transformer en Pharisiens-Docteurs de la Loi en fustigeant tous ceux qui ne font pas exactement comme il faut et en les dénonçant… Je ne crois pas que Jésus aurait fait une chose pareille.

On met un frein à notre langue. On lave notre bouche avec le gel hydroalcoolique de l’amour du prochain, et on se calme !

C’est ensemble qu’on traversera tout cela, ce n’est pas en dénonçant notre prochain !

Parce que la pandémie tue, c’est évident. Mais la critique aussi ! Le jugement tue plus sûrement que n’importe quoi d’autre, surtout s’il est public ! La dénonciation tue, à coup sûr !

Or « tu ne tueras pas », jusqu’à nouvel avis, c’est un commandement. Un de ceux qu’on ne négocie pas d’ailleurs, qui n’est pas discutable.

Donc, Chers Amis, je crois qu’une des choses qu’il nous faut porter à l’extérieur de ces murs en ces temps difficiles, douloureux – en ces temps où il ne faut pas relâcher nos efforts, évidemment non… – mais je crois que ce qu’il nous faut porter à l’extérieur c’est qu’on y arrivera ensemble. Pas en se dénonçant les uns les autres, pas en se critiquant les uns les autres…

Puisque nous avons si bien appris à nous laver les mains avec ceci… puissions-nous désormais apprendre à nous laver la langue, le cœur et l’âme, avec le gel hydroalcoolique de l’Amour.

Le monde ira mieux… et nous aussi je pense.

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Champex, samedi 28 août 2021, 17.00

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