La prostituée au Chanel n°5

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Photo DR : 1001envies.over-blog.com

Homélie pour le 11e dimanche ordinaire, C

2Samuel 12,7-10.13 / Psaume 31 / Galates 2,16.19-21 / Luc 7,36-8,3

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Chers Amis,

Imaginez deux secondes la scène : on annonce que Jésus revient, qu’il est là, qu’il va visiter le Valais. Chacun veut l’avoir à diner chez soi, bien sûr. Et c’est le Conseil d’Etat qui réussit à inviter Jésus, à Sion. Oskar, Maurice et les autres.

Tout ce que le canton compte de personnages importants est là bien entendu : présidents de communes, juges, commandant de la police, directeur des écoles, même un huissier en grand uniforme, Christian Constantin s’est même privé d’un match de l’Euro à la télé ce soir pour venir ! Le président Damien est là, le choeur mixte, la fanfare d’Evolène, tous ont été invités pour animer la soirée bref : le gratin.

Le repas vient de commencer quand la porte s’ouvre. Et qui entre au beau milieu de ce parterre ? Une prostituée. Oh pas n’importe laquelle. Une qui est bien connue, qui officie en ville, sur le trottoir, là-bas, dans la ruelle.

Peut-être même que certains de ces messieurs la connaissent un peu mieux que ce qu’ils veulent bien prétendre, allez savoir…

On a envie de la chasser, de lui dire que ce n’est pas sa place, évidemment. Sa seule présence est un scandale.

Une prostituée ! Quand même ! C’est Jésus qu’on accueille, c’est pas Bill Clinton ou DSK. Ça fait désordre, avec Jésus, une prostituée !

Et que fait la prostituée ? Elle apporte une bouteille de Chanel n°5 qu’elle ouvre et dont elle répand TOUT le parfum sur Jésus. Ça vaut 2’000 francs, une bouteille de Chanel n°5 pur… J’ai été regarder sur Internet !

J’aime mieux vous dire que ça parfume aussi la pièce, hein ! D’un parfum de scandale, dans ce cas-là. Et elle pleure, elle pleure, cette prostituée. Rien ne semble pouvoir l’arrêter… Ses larmes rincent la peau de Jésus qu’elle essuie ensuite de ses propres cheveux, ses longs cheveux avec lesquels le soleil sédunois aime jouer, d’habitude, dans les ruelles et sur les terrasses.

Scandale absolu. Mais le plus grand scandale est encore que Jésus se laisse faire !

Les quelques dames en costumes des différentes communes du Valais, qui sont là, elles aussi, manquent de tomber dans les pommes.

Elles murmurent entre elles : « Non mais tu te rends compte ? Et il a l’air de la connaître en plus ! Et il la laisse faire ! Elle ose venir ici ! Mais vous savez avec qui elle était hier soir ? Mais moi je l’ai croisée l’autre jour de l’autre côté de la ville ! En plus il paraîtrait que Jésus a partagé un verre avec elle ! Mais tu crois pas ! Mais des chooooses pareeeeiiiiilles !!! »

Et là Jésus en prend une à part, celle qui se croit la meilleure – je ne dirai pas de quelle commune elle vient – et Jésus lui dit :

« Dis donc toi, toi qui viens à la messe quand ça t’arrange, toi qui ne va jamais te confesser parce que t’es persuadée d’être parfaite et que tu crois pouvoir t’arranger directement avec le bon Dieu, j’ai quelque chose à te dire. »

Et il lui raconte l’histoire de ce petit épargnant qui devait 500.- à l’UBS, et celle de cet agent immobilier qui, lui, devait 15 millions à la même banque. Et il lui raconte que la Banque a effacé leur crédit à tous les deux.

Et la femme, bien sûr, de rappeler que son mari – c’est lui l’agent immobilier – de rappeler que son mari a été mille fois plus reconnaissant à la Banque que ce pauvre petit épargnant qui a dit merci du bout des lèvres parce que ça l’arrangeait bien. Et elle ajoute que son mari, depuis ce jour, aime cette Banque comme la prunelle de ses yeux, il donnerait tout pour elle, d’ailleurs il en est devenu le président du conseil d’administration.

Alors que le petit épargnant, lui, on le voit de temps en temps, quand ça l’arrange…

« Et voilà, lui dit Jésus. Tu vois, celui à qui il a été beaucoup pardonné sera très reconnaissant, il aimera encore plus son bienfaiteur. L’autre, va venir à la messe de temps en temps, quand ça l’arrange, et jamais en confession puisqu’il n’a pas grand chose à se faire rembourser… Pourtant, le premier, celui auquel on a énormément remis, si on lui a beaucoup pardonné, c’est bien qu’il avait beaucoup péché, non ? »

Et là tout le monde comprend où veut en venir Jésus.

La prostituée… Plutôt que de la juger moins bonne que nous… si nous changions notre regard sur elle ? Certes elle a beaucoup péché, mais il lui a été d’autant plus pardonné, et du coup elle témoigne d’autant plus d’amour envers Dieu…

Elle n’a pas regardé à la dépense, elle, elle a donné TOUT ce qu’elle avait, elle n’a pas réfléchi comme les autres ce soir-là, au poids de la viande séchée, au nombre d’invités, à la formule bon marché mais présentable du traiteur, pour impressionner quand même, mais pour pas que ça coûte trop cher.

Elle, elle a versé une bouteille entière de parfum. Et elle est moins riche que les autres.

Au travers des textes de ce week-end, chers Amis, Jésus vient nous rappeler combien le pardon de Dieu est infini. Mais aussi combien il est éloigné de notre manière de penser, de nos conceptions, de nos jugements habituels.

David, dans la première lecture, a commis un crime épouvantable. Le prophète Nathan le lui dit. Mais David en prend conscience et il demande pardon à Dieu. Et c’est alors que Dieu pardonne. Tout, même l’impardonnable. Même le crime, en l’occurrence. Parce que Dieu est plus grand que les plus grands de nos péchés.

Paul, dans la lettre aux Galates, la deuxième lecture, nous rappelle que ce n’est pas le fait de suivre la loi ou le protocole jusque dans les moindres détails qui nous sauvera devant Dieu. C’est pas ça. C’est le sens que nous mettons à nos gestes, c’est notre foi profonde, c’est notre engagement véritable, c’est notre humilité devant Dieu.

Puissions-nous, chers Amis, accueillir la prostituée et sa bouteille de Chanel avec un regard purifié !

C’est-à-dire : puissions-nous accueillir celui ou celle qui nous dérange avec un coeur pur. Parce que peut-être qu’il ou elle aime Dieu bien plus que nous, allez savoir.

Celui qui nous dérange, vous savez ? Les parents avec l’enfant qui chahute pendant la messe… celui qui gagne au loto un fromage alors que nous, on gagne jamais rien… ou plus grave : celle qui a dû avorter pour des raisons que nous ne connaîtrons jamais parce que nous ne sommes pas dans son coeur… celui qui vit avec un autre homme… ces deux-là qui sont divorcés-remariés et sur lesquels on jase, dans leur dos si possible, c’est tellement plus facile.

Celui ou celle qui nous dérange… est peut-être bien plus proche de Dieu qu’on ne le croit, avec sa bouteille de Chanel n°5 alors que nous, on a juste sorti le fromage et la viande séchée…

Vous voyez, chers Amis, tout est question de regard. Alors demandons à Dieu de changer notre regard, pour regarder les autres avec miséricorde, comme Dieu les regarde lui aussi.

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La Sage, samedi 11 juin 2016, 20.00 (version enregistrée)

Et, dans une version légèrement différente jadis :

Chermignon d’en Haut, samedi 15 juin 2013, 18.30

Lens, dimanche 16 juin 2013, 9.30

Montana-Village, dimanche 16 juin 2013, 11.00

 

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6 Responses

  1. Marc-André Rey

    Merci Père Vincent pour les belles homélies que j’écoute chaque dimanche .

    Marc-André

  2. Bernadette

    Dieu pardonne, tout même l’impardonnable et
    tout est question de regard….
    Merci, cher Vincent, de nous le rappeler dans cette homélie colorée et parfumée.

  3. GUYON

    Bonsoir,

    Je ne sais comment je suis arrivé sur votre site, le hasard? Peut-être que le bon Dieu m’y a conduit. J’apprécie vos homélies qui permettent, je pense, aux fidèles de comprendre aisément les textes bibliques du dimanche. Je connais votre beau coin de Suisse, j’y allais à une certaine époque notamment à Martigny.
    Je me prépare au diaconat permanent,entouré de mon épouse et de mon équipe diocésaine et d’accompagnement du diocèse de Belfort/Montbéliard
    Alain

    • Vincent Lafargue

      Grand MERCI à Vous, Alain, pour ce mot si gentil ! Que Dieu vous accompagne sur le magnifique chemin du diaconat permanent et qu’il vous comble de ses bénédictions pour vous aider à le servir !

      Bien cordialement à Vous,
      Abbé Vincent

  4. Antille Sylvie

    Merci Vincent, merci de nous aider à voir plus clair dans notre regard sur nous-mêmes et sur les autres. Que l’Esprit Saint purifie notre regard et nos yeux afin de voir au-delà des apparences. Belle journée

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