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Homélie pour le 12e dimanche TO, année B
Job 38,1-8.11 / Psaume 106 / 2Corinthiens 5,14-17 / Marc 4,35-41
> Une homélie n’est faite ni pour être lue ni pour être vue en vidéo, c’est un exercice oral. Vivez l’expérience pleinement en l’ECOUTANT :
Il fait chaud, n’est-ce pas ?… J’ai deux couches de plus que vous, si ça peut…
Eh bien puisqu’il fait chaud, Chers Amis, transportons-nous au bistrot quelques instants si vous voulez bien… Sur une terrasse… parce qu’on peut aller à l’intérieur, mais enfin vu la température, on serait mieux sur une terrasse. Je vous laisse le choix de l’établissement, la région n’en manque pas. Et puis maintenant qu’on peut y retourner, pourquoi s’en priver, n’est-ce pas ?
Vous êtes à une table de quatre, comme il se doit pour le moment. Ça cause des résultats des votations. Ou des scores de certains matches de football. Toute ressemblance avec une scène vécue cette semaine serait pure coïncidence, naturellement.
Le premier des quatre dit que, de toutes façons, c’est Dieu qui maîtrise tout, donc il ne faut pas vouloir prendre sa place, c’est lui qui fixe les limites.
Le deuxième convive va un peu dans le même sens tout en ajoutant que Dieu nous aide souvent au cœur de nos vies.
Et le troisième dit : « Oui, mais quand ça va mal, où est Dieu ? Est-ce qu’il n’est qu’avec l’Italie quand la Suisse perd ? »
Quant au quatrième, qui a écouté sagement jusque-là, il sort un proverbe chinois.
« Le courage de la goutte d’eau, c’est qu’elle ose tomber dans le désert. » Quelque chose qui n’a à priori rien à voir avec le reste de la discussion.
A priori…
Celui-là, on a envie de vérifier combien de Spritz il a déjà bu, ou alors de lui dire : « Ecoute mon ami, tu es bien gentil, mais nous on parlait de sujets sérieux. Ta goutte d’eau, on ne voit pas bien le rapport. »
Eh bien c’est exactement ce que font certains avec la Bible, Chers Amis.
Quand un texte nous paraît n’avoir aucun rapport avec le reste, ou quand on ne le comprend pas bien, on le laisse de côté.
Et ça, c’est fréquent avec la deuxième lecture, de nos messes. On ne la lit pas, parce qu’on ne voit pas trop ce que cette lettre de Paul vient faire là au milieu du reste, il est un peu hors sujet.
D’ailleurs certains lecteurs, dans certaines paroisses, me posent encore la question à la sacristie, avant la messe : « On prend quelles lectures aujourd’hui ? »
Et ma réponse est toujours la même : « Eh bien, toutes, hein ! »
A la table du bistrot, on ne va pas virer le quatrième parce qu’il raconte des choses qu’on ne comprend pas toujours !
On garde toutes les lectures, évidemment ! Si Vatican II nous a proposé d’avoir chaque week-end une première lecture, un psaume qui lui répond, un extrait d’une lettre (souvent de Paul, mais pas toujours) et un Evangile, ce n’est pas pour qu’on vire un des quatre textes sous prétexte qu’il ne nous revient pas ou qu’il est trop compliqué en apparence.
Comme le quatrième convive de notre table de bistrot, il a quelque chose à nous dire.
Parce qu’en fait, au bistrot, celui qui prononce le proverbe chinois, ce n’est pas celui qui a trop bu. Pas du tout. Au contraire ! C’est le sage de l’équipe. Celui qui parle en dernier. Il a écouté le reste de la conversation et ce qu’il dit s’insère parfaitement dans la discussion. Il faut juste avoir le nez un peu moins collé sur le sujet, prendre un petit peu de distance, et on s’aperçoit que son proverbe a tout son sens.
Or dans la liturgie, la deuxième lecture représente précisément celui qui parle en dernier.
Alors vous allez me dire : « Oui, mais non ! Parce que le dernier texte c’est l’Evangile, ce n’est pas la deuxième lecture ! »
Vous avez raison mais chronologiquement c’est la deuxième lecture.
La deuxième lecture parle toujours d’événements qui se sont passés après les événements de l’Evangile.
Chronologiquement, on a la première lecture qui vient de l’Ancien Testament, le psaume qui lui aussi vient de l’Ancien Testament, puis ensuite il y a l’histoire de Jésus – l’Evangile.
Et puis la lettre, elle, elle parle des premiers Chrétiens. Elle devrait venir après, finalement.
Pour être chronologiquement juste, il faudrait que la lettre de Paul vienne en dernier.
Appliquons notre histoire de bistrot à nos lectures de ce matin.
La première lecture, tirée de l’Ancien Testament, c’était un extrait du livre de Job. C’est le premier des quatre convives de notre table de bistrot. Il lance un sujet. Aujourd’hui, c’était la mer, vous l’avez entendu. La mer et ses limites, que Dieu a fixées.
Le deuxième convive, le psaume, reprenait le sujet en allant un petit peu plus loin, parlant des vagues, de la tempête, et puis de Dieu qui nous aide là au milieu.
L’Evangile parlait des disciples en barque au milieu de la tempête, qui ont peur et que Dieu semble abandonner… C’est le troisième de la table de bistrot : « Est-ce que Dieu n’est qu’avec les gagnants ? »
Vient alors le quatrième, avec son proverbe chinois. Dans nos lectures, c’était Paul, qui là au milieu de ces histoires de tempête sort une phrase qui semble n’avoir rien à voir : « Le Christ est mort pour tous, afin que les vivants n’aient plus leur vie centrée sur eux-mêmes. »
On pourrait être tenté de dire à Paul : « Tu es bien gentil, mais quel est le rapport avec la tempête, avec la mer, avec les vagues ? Tu n’es pas au jeu, avec ton histoire de mort et de résurrection ! »
Du coup, comme très souvent quand on ne comprend pas le rapport, on vire. « La deuxième lecture ? Oh non, c’est trop compliqué ! Et puis ça va considérablement allonger la messe ! »
Ça pour allonger, ça nous a allongés… 34 secondes, la deuxième lecture ! C’est fou ce que ça rallonge, hein ! Je crois qu’on peut tranquillement l’écouter, ce n’est pas ça qui va faire brûler le rôti qu’on a dans le four…
Le vrai problème c’est le syndrome « proverbe chinois ». Comme on ne comprend pas toujours ce que dit Paul, ou qu’on juge que ça n’a rien à voir avec les autres textes, on supprime.
Or la Bible nous demande précisément l’inverse. Quand on lit un texte qu’on comprend moins… qui nous semble un peu plus ardu… il faut creuser ! Il ne faut surtout pas le laisser de côté !
Et dans la messe, c’est très souvent la deuxième lecture qui nous donne la clé de toutes les autres.
Le quatrième convive de notre table de bistrot, en disant « le courage de la goutte d’eau, c’est qu’elle ose tomber dans le désert » donnait la clé à toute la discussion sur les votations et sur l’Euro. A sa manière il disait qu’il faut du courage pour discuter d’autre chose que des sujets à la mode, ou communs. Osez dire à une table de bistrot que vous n’en avez rien à faire du foot en ce moment, vous allez voir comment vous allez être reçus… aussi bien qu’une goutte d’eau qui tombe dans le désert !
Et dans nos histoires de tempêtes, de mer, de limites, c’est Paul qui nous donnait la clé, ce matin. Vaudrait mieux ne pas avoir supprimé la lecture de la deuxième aux Corinthiens, sinon on se trouverait devant trois portes fermées sans la clé pour les ouvrir, ce serait gênant.
Alors reprenons et terminons en découvrant cette clé.
Job parlait de la mer, en disant que Dieu en a fixé les limites. Ce sont les limites géographiques de nos océans. Et Dieu dit à la mer cette célèbre phrase : « Tu es venue jusqu’ici, tu n’iras pas plus loin. »
Le psaume continuait en ajoutant que Dieu est capable aussi d’agir non seulement sur les limites de la mer mais sur la mer elle-même, il est capable de calmer la tempête.
L’Evangile répondait parfaitement à tout cela puisque nous avions les disciples en mer, au cœur d’une tempête, persuadés qu’ils ne pourront pas aller plus loin, qu’ils ont atteint leur limite à eux, et Jésus parle à la tempête et la calme. Il permet à tout le monde de traverser sans problème.
Et Paul alors ? Que vient-il faire là avec son Christ mort pour nous afin que nous ayons une vie différente, moins centrée sur nous-mêmes ?
Eh bien pour le comprendre il faut reculer un petit peu pour avoir un regard plus large.
La mer, chers Amis, elle peut être symbolique… Tout comme la tempête. Cette mer que les autres créatures ne peuvent pas franchir, cet océan dont Dieu fixe effectivement la limite à ne pas dépasser, et qu’il nous est possible à nous – les êtres humains – de franchir si on fait route avec le Christ… mais c’est la mort chers Amis !
C’est la mort… cette mer qui a des limites que personne ne peut franchir sauf si on fait route avec le Christ.
Nous, nous savons que grâce au Christ nous pouvons passer sur l’autre rive, en vie, jusqu’à la vie éternelle de l’autre côté.
Alors on comprend mieux la phrase de Paul : le Christ est mort pour nous, pour que nous soyons vivants avec lui. C’est bien la clé de toutes les autres lectures de ce matin.
Et c’est la bonne nouvelle qu’il nous faut retenir : avec Jésus nous pouvons passer sur l’autre rive sans avoir peur, sans avoir la peur des disciples dans leur barque.
Et ceci est valable pour toutes les tempêtes de nos vies. CoVid compris. Nous pouvons les traverser sans avoir peur si on prend Jésus dans la barque.
Alors ne soyons pas comme les disciples, chers Amis, n’ayons pas peur : nous sommes embarqués avec Jésus sur les vagues de nos vies, dans les tempêtes de nos existences.
Mais lui est capable de nous faire traverser si nous lui offrons notre Foi. Et si nous n’oublions pas de lire les trésors contenus dans l’Ecriture, y compris dans nos deuxièmes lectures, bien évidemment.
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Bex, samedi 19 juin 2021, 18.00
Aigle, dimanche 20 juin 2021, 10.00
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