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Homélie pour le 2e dimanche Carême B
Genèse 22,1-18 / Psaume 115 / Romains 8,31b-34 / Marc 9,2-10
> Une homélie n’est faite ni pour être lue ni pour être vue en vidéo, c’est un exercice oral. Vivez l’expérience pleinement en l’ECOUTANT :
Chers Amis,
Ceux qui me connaissent parmi vous le savent : j’aime beaucoup le cinéma. Et Dieu que j’aimerais pouvoir y retourner !
Les lieux de cultes sont ouverts. mais entre le culte et la culture il n’y a pas de différence d’importance, me semble-t-il. J’espère que nos lieux de culture réouvriront vite.
Dans mes réalisateurs de prédilection, il y a Claude Lelouch. Même si certains de ses films me laissent de marbre, d’autres me fascinent parce qu’ils ressemblent à la Bible. On vous y raconte volontiers une dizaine d’histoires qui n’ont, à priori, rien à voir les unes avec les autres. Et puis, à la fin, on voit que tous les personnages étaient liés entre eux, qu’en fait ils nous racontaient tous la même histoire, celle qu’on nous révèle pour finir. C’est un genre cinématographique qu’on appelle aussi le film-choral…
Et les textes d’aujourd’hui c’est exactement cela !
A priori les textes que nous avons entendus n’ont pas grand-chose à voir les uns avec les autres… et pourtant !
La Genèse, d’abord, notre première lecture. On nous rappelle cet épisode étonnant qu’on appelle parfois le sacrifice d’Isaac. C’est corrigé dans la plupart de nos Bibles maintenant, parce que c’est plutôt le sacrifice d’Abraham, en fait. C’est bien Abraham qui se sacrifie, dans cette histoire. C’est le père qui se sacrifie, et non pas le fils, Dieu merci ! Même si Abraham va jusqu’à préparer tout ce qu’il faut pour sacrifier son fils, heureusement au dernier moment l’ange le stoppe : « Ne fais pas de mal à l’enfant ! »
Souvent dans les films, c’est un tout petit détail, dans le décor, qui nous fait comprendre quelque chose d’important. Et c’était exactement cela : avez-vous remarqué, quel est l’animal qu’Abraham trouve sur place, dans un buisson, et qu’il sacrifie ? C’est un bélier.
Vous ne trouvez cela nulle part ailleurs dans la Bible, c’est toujours un agneau que l’on sacrifie ! Et là c’est un bélier ! C’est le père !
C’est donc bien du sacrifice du père dont il est question au départ dans nos textes de ce soir…
Et que nous disait Saint Paul, dans la deuxième lecture ? « Il n’a pas refusé son propre Fils, le Père, il l’a livré pour nous, comment pourrait-il alors ne pas tout nous donner? »
Bien sûr St Paul parle ici de Dieu le Père. Mais ceci lu juste après le sacrifice d’Abraham… on commence à se dire : « Tiens, il y a un fil rouge là derrière… »
Le père n’a pas refusé son propre fils, c’est exactement ce qu’a fait Abraham… heureusement l’ange l’a stoppé au dernier moment, mais il ne l’avait pas refusé.
Et puis le metteur en scène formidable de la Bible – qu’est l’Esprit – n’a pas fini de nous étonner. Il choisit soigneusement ses mots.
Car le psaume que nous avons entendu entre ces deux textes disait : « je t’offrirai le sacrifice d’action de grâce, je tiendrai mes promesses au Seigneur… » Le fil rouge continue !
Sauf qu’ici, ce n’est ni un animal ni un être humain qu’il faut sacrifier, c’est un sacrifice d’action de grâce.
En grec, « action de grâce » se dit « eucharisto ». Ça ne vous rappelle rien ? Eucharistie… Si nous avons un autel dans nos Eucharisties, lieu du sacrifice, ce n’est pas pour rien ! C’est parce que nous continuons à vivre le sacrifice, mais c’est un sacrifice d’action de grâce. C’est un sacrifice par lequel nous disons MERCI à Dieu pour notre salut…
Il reste un troisième texte, et comme d’habitude c’est le plus important : l’Evangile. Et c’est encore l’Evangile, une fois de plus, qui vient nous montrer que l’Ancien et le Nouveau sont liés, pas seulement par un fil rouge cinématographique mais par l’Esprit qui souffle… La seconde partie du film va donner un sens totalement nouveau à ce que nous avons vu dans la première partie. C’est ça, le Nouveau Testament.
Et Jésus, dans l’extrait que nous avons entendu – célébrissime, la Transfiguration – Jésus conduit quelques-uns de ses meilleurs amis sur la montagne.
Il en prend trois. Trois à qui il réserve les moments les plus importants de son existence : Pierre, Jacques et Jean. Pierre sur qui il veut bâtir son Eglise, et qui en sera le représentant, Jacques – Yakob en hébreu – qui sera chef de l’Eglise de Jérusalem et Jean, Yohanan en hébreu, dont le nom signifie Dieu fait grâce, et qui symbolise la grâce donc.
Le metteur en scène exceptionnel qu’est l’auteur biblique va jusqu’à choisir les noms de ses personnages en fonction de qu’il veut nous faire comprendre. Et bien des cinéastes font de même, pas seulement Claude Lelouch…
Il y a là, donc, sur cette montagne, symboliquement l’Eglise avec Pierre, tout le peuple d’Israël avec Jacques et la Grâce de Dieu avec Jean.
Manque plus que Dieu Père-Fils-Esprit. Car nous savons bien, nous, qui est Jésus : le Fils. Mais les disciples l’ignorent encore à ce moment-là de l’histoire, je vous le rappelle.
Comme les spectateurs d’un bon film, nous avons compris quelque chose de capital avant les protagonistes de l’histoire.
C’est donc le moment que Jésus choisit pour montrer aux disciples qui il est. Nous avons donc le Fils, nous avons le Père avec sa voix : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé »… Père, Fils, manque l’Esprit alors !
Le metteur en scène aurait-il fait sauter quelqu’un au montage ? C’est mal connaître l’auteur biblique : la nuée qui les prend sous son ombre représente l’Esprit Saint – souvenez-vous de Marie et de l’Ange : L’Esprit Saint te prendra sous son ombre… Il est là.
Trois disciples, trois personnages divins.
Mais alors il n’y a que deux patriarches : Moïse et Elie, le texte nous le disait.
Et là encore, on se dit : « Est-ce qu’on a fait sauter quelqu’un au montage ? » Mais non, pas du tout ! Regardez… Moïse est le symbole de la Loi, Elie celui des prophète. Pour que la triade soit complète il faut encore les Ecrits.
C’est ainsi que les Juifs nomment la Bible : la Loi, les Ecrits et les Prophètes.
Qui représente l’Ecriture ? Mais c’est Jésus bien sûr, puisqu’en lui l’Ecriture est accomplie. Nous avons donc la Loi, avec Moïse, les prophètes, avec Elie, et l’Ecriture avec Jésus.
Et les disciples voient et comprennent probablement cela. Comme un bon film de Lelouch, on comprend enfin que tous les personnages étaient liés, depuis le début.
Reste alors cette étrange conseil de Jésus à ses disciples : « Gardez tout cela dans votre cœur jusqu’à la résurrection ».
Gardez cela dans votre cœur… ne l’oubliez pas.
Un événement étrange se produit ? Vous êtes révoltés, vous êtes choqués, vous êtes peinés ? Vous ne comprenez pas ? Tant de gens m’ont dit cette semaine : « On ne comprend plus ! On ne comprend plus nos autorités, on ne comprend plus ce qui se passe ! »
Jésus nous dit: « Gardez cela dans votre cœur. »
Le film n’est pas encore terminé. Vous allez comprendre… mais à la fin du film. Il y a des choses qu’il ne faut pas vouloir comprendre trop vite, même si c’est difficile…
Et cela, à chaque fois que l’ombre semble se faire sur nos têtes, à chaque fois qu’un événement nous choque, nous surprend, à chaque fois qu’on aurait envie de crier au monde ce que l’on a vu, entendu, vécu, on devrait s’en souvenir : gardez cela dans votre cœur. Un jour, tout sera dit, nous comprendrons tous beaucoup mieux.
Mais pour cela il faut attendre la fin du film, patienter le temps du générique qui, comme dans la mort et sur fond noir (comme par hasard) nous fait défiler tous les personnages de l’histoire… Et enfin se rallumera la lumière, celle de Dieu quand nous serons dans son Royaume.
Alors, et alors seulement, le metteur en scène aura atteint son but, nous aurons compris où il voulait exactement en venir.
Notre guérison, Chers Amis, se trouve au cœur de notre fragilité humaine, notre tenture le montre bien. La grâce de Dieu, elle, vient transfigurer tout cela et chacune de nos vies.
Mais si nous quittons la salle de cinéma avant la fin, nous ne comprendrons jamais le fin-mot de l’histoire.
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Bex, samedi 27 février 2021, 18 h. 00 (version enregistrée)
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