La barquette de framboises

Photo libre de droits : piqsels

 

Homélie pour le 17e dimanche TO, année A

1R 3,5.7-12  /  Psaume 118(119)  /  Rm 8,28-30 / Matthieu 13,44-52

 

> Une homélie n’est faite ni pour être lue ni pour être vue en vidéo, c’est un exercice oral. Vivez l’expérience pleinement en l’ECOUTANT :

 

Chers Amis,

Cette semaine, des amis m’ont offert une barquette de framboises de leur jardin. C’est de saison. Les framboises, si jamais, c’est un de mes péchés mignons… Mais ne m’en offrez pas, je pars en vacances demain !

Il n’y a pas à dire… les framboises… objectivement c’est ce qu’il y a de meilleur au monde, vous êtes d’accord ?

Je vois qu’il y en a qui ont le même péché mignon que moi…

Je les ai dégustées une à une, tranquillement… c’était merveilleux !

Ceci-dit, il faut faire attention. Vous savez, quand on déguste des fruits d’une barquette, comme ça, il faut tout de même regarder avant de mettre à la bouche… parce qu’on peut avoir des surprises avec les barquettes. Même les barquettes du jardin ! Il y en a toujours un ou deux, de ces fruits, qui laissent un peu à désirer ou qui sont carrément gâtés, ça peut arriver.

Et si on ne les enlève pas rapidement de l’ensemble de la barquette, que se passe-t-il ? Eh bien vous le savez bien, ils gâtent peu à peu les fruits qui sont autour d’eux. Et finalement, ça fait de la pourriture.

C’est aussi comme ça dans nos vies. Dieu nous a donné une pleine barquette de fruits. Ce sont nos talents, nos dons, nos qualités, nos charismes… Il n’y a pas que des framboises en nous, il y en a pour tous les goûts !

Mais parfois, avec le temps, certaines de ces qualités sont un petit peu gâtées, un peu atteintes, un peu flétries. Certaines s’altèrent avec le temps, aussi.

Comme la plus belle des framboises peut devenir la plus pourrie de toute la barquette, avec le temps, la plus belle de nos qualités peut aussi devenir notre pire défaut si l’on n’y prend pas garde.

Et dans ce cas, il est bon d’apprendre à trier, de temps en temps. Il est bon de savoir mettre de côté certaines choses, de mettre de côté certains fruits…

Non pas pour les jeter, ce serait dommage, mais on en fera une bonne confiture par exemple.

L’été est propice à cela. Pas aux confitures, j’entends, mais au tri. Au tri à l’intérieur de nous-mêmes.

Jésus nous y encourageait, d’ailleurs, dans l’Evangile…

Alors là, vous allez me dire : « J’ai bien écouté l’Evangile, il ne m’a pas semblé entendre de framboises dans cette histoire-là, il y avait une perle, bon, il y avait un trésor, il y avait du poisson aussi… »

Mais oui… parce que, forcément, les framboises sont assez rares au pays de Jésus ! Il prend ce qui parle à son auditoire à lui, comme moi j’ai pris un fruit que vous connaissez.

Lui, il prend du poisson, c’est ce qui parle à ses auditeurs.

Et l’exemple des poissons est tout à fait comparable avec ma barquette de framboises.

Lorsqu’on a ramené le filet sur le rivage, et même parfois avant déjà sur la barque, on trie et on rejette ce qui est impropre à la consommation, ce qui peut encore vivre dans l’eau, ce qui risquerait même de contaminer les autres poissons.

C’est aussi à cela que nous invitait la très belle prière de la première lecture. Peut-être avons-nous écouté cette première lecture distraitement… parce que c’est toujours le moment où on s’assied – vous savez, la première lecture – et parfois on l’écoute un petit peu d’une oreille distraite. Mais c’est une magnifique prière du roi Salomon.

Salomon a la sagesse de demander ce qu’on ne demande pas toujours.

Imaginons pour vous, que tout à l’heure, dans quelques minutes, le Seigneur vous apparaisse et vous dise : « Demande-moi ce que tu veux… Ce que tu veux, je l’exaucerai ! »

Quelle serait notre demande ? Elle serait certainement différente pour chacune, chacun de nous. Pour ma part, je demanderai certainement une barquette de framboises…

Mais on demanderait sûrement des choses plus sérieuses et plus importantes ou plus essentielles, la santé, le non-souci financier, un travail, revoir tel ou tel proche décédé… on demanderait de grandes choses de ce style, j’imagine.

C’est exactement ce qui se passait dans la première lecture, Dieu dit à Salomon : « Demande-moi ce que tu veux, je te le donnerai ! »

Et que demande Salomon ? Vous l’avez entendu, c’est magnifique : il ne demande pas la gloire, il ne demande pas la richesse, il ne demande même pas la santé. Il demande quelque chose de beaucoup plus inhabituel. De beaucoup plus beau aussi.

Il demande un cœur attentif – c’est magnifique ! – « Donne-moi Seigneur un cœur attentif ! » Il demande un cœur attentif pour savoir discerner le bien du mal, dit-il.

Et Dieu se réjouit qu’il ait demandé cela, plutôt que tout le reste. Et du coup, il lui donne aussi tout le reste, vous avez entendu.

Ça me rappelle un texte que vous connaissez certainement, la très belle « prière de la sérénité ». On la trouve un peu partout sur internet, à droite à gauche dans des livres, parfois signée de plein de personnes alors qu’en réalité on ne sait pas du tout de qui elle est. Mais elle est devenue entre autres la prière des alcooliques anonymes, parmi d’autres groupes.

Cette prière de la sérénité, nous pourrions tous la faire nôtre pendant ce temps de l’été parce qu’elle nous aide, justement, au tri, au discernement. Cette prière, elle dit :

« Seigneur, donne-moi le courage de supporter ce que je ne peux pas changer, donne-moi la force de changer ce qui peut l’être, mais surtout donne-moi la sagesse de discerner l’un de l’autre. »

Je vous le redis :

« Seigneur, donne-moi le courage de supporter ce que je ne peux pas changer, donne-moi la force de changer ce qui peut l’être, mais surtout donne-moi la sagesse de distinguer l’un de l’autre. »

Or on passe notre temps à mettre les choses dans le mauvais tiroir ! On passe notre temps à dépenser une énergie dingue, enfin je ne sais pas vous, mais moi en tout cas, à dépenser une énergie en essayant d’imaginer comment changer telle ou telle chose qui ne peut pas changer.

Le passé, par exemple ! « Ah, si seulement on avait fait différemment ! » Bah oui mais c’est comme ça, c’est fait. Alors ça ne sert à rien de dépenser une énergie incroyable pour essayer de changer ce qui s’est passé hier, c’est pas possible !

Ma Grand-Maman disait : « ça ne sert à rien de pleurer sur le lait renversé. Il vaut mieux éponger ! »

Mettre notre énergie à ce qui peut être changé. Mais pleurer sur le fait qu’il soit renversé ça ne sert à rien, ça ne va pas le faire revenir dans la brique !

Or trop souvent, on dépense de l’énergie pour essayer de changer, du moins dans notre tête à établir tous les scénarios possibles pour changer ce que nous ne pouvons pas changer.

Nous n’avons pas prise sur pas mal de choses finalement !

Et du coup, cette énergie, on ne l’a plus après, pour changer ce qui pourrait changer. C’est dommage ! Autant la mettre tout de suite pour changer ce qui peut l’être, le présent et l’avenir !

En apprenant à discerner, à reléguer dans le tiroir de ce qu’on ne peut pas changer le passé par exemple et ce qui lui appartient, on pourra mettre toute notre énergie au service du présent, du futur…

Nous serons de plus en plus capables de porter du fruit, sans laisser le fruit gâté du passé contaminer le reste de notre barquette. Qu’on en fasse des confitures, c’est bon !

Cette sagesse du discernement, cette qualité qui nous fait reconnaître le fruit abîmé qu’il faut peut-être éliminer, ou dont il serait sage de faire un pot de confiture, cet esprit qui nous aide à y voir clair au plus profond de nous, c’est Dieu qui nous l’offre lorsqu’on le lui demande. Comme Salomon. Lorsqu’on le prie avec amour.

Ce que vous êtes venus faire ce soir, d’ailleurs.

C’est ce que Paul nous rappelait dans la deuxième lecture : ceux qui aiment Dieu, disait Paul – vous et moi ! – ceux qui aiment Dieu alors en retour non seulement Dieu les appelle, mais il fait d’eux des justes et il les aide à distinguer le bien du mal dans leur vie, à devenir de plus en plus ajustés à sa volonté.

Et donc de plus en plus heureux.

Alors, chers Amis, profitons de ce temps estival, souvent un peu plus doux, souvent un peu plus calme, pour regarder nos barquettes de fruits personnels, tous les fruits que Dieu nous a donnés.

Et prenons le temps de trier un peu… d’enlever ce qui doit être enlevé, de conserver ce qui est magnifique, de mettre en lumière ce qui peut nourrir les autres aussi, ce qui est de l’ordre du beau fruit… ayons la sagesse de faire les confitures qui s’imposent…

Bref, prenons le temps de reconnaître les bons fruits qui demeurent en nous et d’en faire profiter les autres.

C’est au moins aussi important que de faire des confitures !

Alors bon appétit !

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Bex, Samedi 25 juillet 2020, 18.00 (version enregistrée)

Aigle, Dimanche 26 juillet 2020, 10.00

…et dans une version fort semblable jadis :

Vex, samedi 29 juillet 2017, 18.30