Karl, le Canular et la Résurrection

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Homélie pour le 10e dimanche TO, année C

1 Rois 17,17-24 / Psaume 29 / Galates 1,11-19 / Luc 7,11-17

Chers Amis,

Vous avez déjà entendu l’expression « C’est mort » ? Une manière de dire, c’est cuit, c’est raide, c’est fichu…

…C’est mort…

Quand on dit ça, en général, c’est qu’on n’y croit plus, mais alors plus du tout.

– Tu viens en montagne avec moi demain ?

– C’est mort, t’as vu c’te météo ?

C’est exactement ce que je me suis dit à propos des deux semaines de vacances que je suis en train de vivre lorsque, jeudi, le lendemain de l’annonce de la renonciation de notre Evêque, je reçois un mail de la Nonciature Apostolique, autrement dit l’ambassade du Vatican à Berne.

Dans le mail, le secrétaire du Nonce, un certain Karl Dietrich, m’expliquait que son Excellence commençait ses consultations au sujet de la succession de notre Evêque, et qu’il me donnait rendez-vous la semaine prochaine à Berne.

« Les vacances sont à l’eau, me suis-je dit, c’est mort, je vais penser à cela toute la semaine maintenant. Quel nom vais-je suggérer au Nonce ? C’est presque tous des copains ! En même temps si je peux influencer, même d’une seule petite voix, le choix de mon futur Evêque, pourquoi pas ?

C’est important, la politique, chaque voix compte ! Même le Pape François l’a dit hier : ‘S’engager en politique est une obligation chrétienne, la politique est l’une des plus hautes formes de charité car elle recherche le bien commun.’ »… mais de là à ce que le Nonce s’intéresse à ma petite voix, ça m’a quand même un peu –  beaucoup – surpris.

Lorsque le mail suivant est arrivé, dans lequel le secrétaire Karl Dietrich me demandait un CV, puis m’apprenait que son Excellence visitait régulièrement mon site internet, connaissait mes capacités de communicateur, et que le pape François souhaitait un Evêque qui puisse être entouré de jeunes actifs dans ces domaines, comme moi sur Facebook et Twitter, là je me suis dit : « C’est mort. Ma vie de vicaire, tranquille, au service de mes paroissiens, dans mes villages des Noble et Louable Contrées, C’EST-MORT ! »

Mais en même temps j’ai bien ri. C’était énorme. Gros. Beaucoup trop gros même. Ça ne pouvait pas être vrai !

Et j’ai encore plus ri lorsque, quelques minutes plus tard, un mail d’un copain m’apprenait que Karl Dietrich n’existait pas, que c’était lui qui se cachait derrière ce nom inventé, que tout cela n’était qu’un énorme canular.

Fou, le canular. Le copain en question n’avait pas écrit qu’à moi, mais à toute une série de jeunes prêtres du diocèse, en se faisant passer pour le secrétaire du Nonce, vantant les spécificités de chacun, qui sa fidélité à la Tradition, qui son obéissance, qui sa rapidité à répondre positivement, qui ses capacités de communicateur…

Certains de mes confrères ont moins goûté à la plaisanterie, et je peux les comprendre. Et puis, si en quelques heures l’un ou l’autre s’est imaginé crossé-mitré, sur l’air de « je m’voyais déjà »… ben là aussi c’est mort !

Le copain, auteur de ce canular, commençait son mail en s’excusant de n’avoir pas résisté à la plaisanterie, mais le terminait en nous rendant tous attentifs au fait que le prochain mail serait peut-être authentique, lui. Qui sait ?

Rien n’est jamais vraiment mort, en effet.

Dans les jeunes confrères destinataires de cette magnifique plaisanterie, il y a peut-être notre futur Evêque, allez savoir !

Rien n’est jamais vraiment mort. C’est aussi ce que nous disent tous les textes d’aujourd’hui, avec ces récits de résurrection.

Elie qui ressuscite le fils de la femme chez qui il est hébergé, Jésus qui ressuscite le fils de la veuve, le psaume qui vient enfoncer le clou – si vous me passez l’expression – « Tu as changé mon deuil en une danse » dit le psalmiste, « Tu m’as fait revivre quand je descendais à la fosse. »

Rien ni personne n’est jamais vraiment mort. Bien sûr il y a des deuils dans une vie.

…Parfois de petits deuils risibles comme d’abandonner la vie de vicaire pour un poste proche de l’Evêque.

…Parfois des deuils un peu plus importants : des amitiés, des amours qui cassent.

…Parfois des deuils immenses et inconsolables comme la mort violente d’un fils, d’un frère.

Avec le Christ pourtant, rien n’est jamais vraiment fini.

On sait bien que la mort est un passage, mais que ce passage ouvre sur la vie éternelle. On sait bien que même la mort ne nous sépare pas complètement de l’être que nous aimions. On peut continuer à prier pour lui, à lui parler, et il n’est pas rare que des familles proches des défunts viennent me dire que la communication continue avec les personnes qui nous ont quittés. Peut-être cela vous arrive-t-il à vous aussi.

Il en va de même avec les personnes qu’on croit irrécupérables. « Oh celui-ci on n’en fera jamais rien de bon ! » me disait une Maman au sujet de son fils. « C’est mort. »

Et Paul alors ? Il nous rappelait, dans sa lettre aux Galates, la deuxième lecture d’aujourd’hui, qu’il était persécuteur de Chrétiens ! Avec lui aussi, Dieu aurait pu se dire : ‘ C’est mort. Celui-ci, on n’en fera jamais rien de bon ! 

Et pourtant c’est LUI que Dieu a choisi pour annoncer au monde la Bonne Nouvelle de son Fils. Cette bonne nouvelle qui nous dit que rien n’est jamais fini, que rien n’est jamais écrit d’avance, que rien n’est jamais mort, jamais vraiment.

Vous pensez que ça ne sert à rien d’aller voter ? Que tout est joué d’avance ? Non, rien n’est jamais fini, chaque voix compte. Notamment un 9 juin !

Et même quand la votation est passée, pas dans le sens que l’on souhaitait, rien n’est jamais fini, il faut continuer à se battre. Demandez à un footballeur : quand on se prend la latte, il faut recommencer à tirer, tôt ou tard ça rentrera. …

…Et dans le cas présent, vous l’orthographiez comme vous voulez, la LAT, n’est-ce pas…

Rien n’est jamais mort, chers Amis. La seule chose qui tue vraiment, c’est quand on n’y croit plus, quand on n’espère plus, quand on dit « C’est mort », justement.

Alors chassez cette expression de votre vocabulaire, et quand vous entendrez quelqu’un dire « C’est mort » à propos de quoi que ce soit, vous pourrez répondre : « Oui, peut-être… mais ça ressuscite ! »

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Champex, samedi 8 juin, 17.00

Corin, dimanche 9 juin, 9.00