Iphone et mode militaire

Homélie pour le 26e dimanche du temps ordinaire, année B

Nombres 11,25-29 / Psaume 18 / Jacques 5,1-6 / Marc 9,38-48

Messieurs,

avez-vous pensé à ressortir vos affaires militaires ? Je suis très sérieux ! Vous savez que c’est la mode de cet automne ! Tout ce qui peut militariser vos vêtements est tendance !

Et vous, Mesdames,

êtes-vous à la mode de l’automne 2012 ? Inspiration militaire aussi, broderies canevas, imprimé cachemire ? Avec-vous ressorti les bottes, insistant cet hiver sur l’effet de matière – cuir – daim – etc.

Vous voyez que je me suis renseigné, hein…

Avez-vous toutes et tous acheté un Iphone 5 ?

Nooon ???

[… un temps …]

Moi non plus. Et avant que je ressorte mes affaires militaires, j’aime mieux vous dire qu’il va se passer du temps !

Vous vous demandez pourquoi un prêtre vous parle de mode…

Oh, ne vous inquiétez pas, il y en a aussi dans les habits liturgiques, mais vu le prix d’une chasuble, en général, on change pas tous les dix ans, voyez…

Pourquoi parler de mode à l’Eglise ??

Mais parce que ce sont les textes d’aujourd’hui, qui nous en parlent, pardi !

Alors là, vous vous dites, attendez… j’ai dû mal écouter, mais moi je n’ai pas entendu parler de l’Iphone 5 dans les textes bibliques d’aujourd’hui…

Et vous avez bien entendu, ne vous faites pas de souci. Ça n’y était pas.

Pourtant les textes nous parlent de tout cela. De notre regard sur les autres et du regard des autres sur nous.

Parce que la mode c’est rien d’autre que cela.

On VEUT être comme l’autre – qui lui même veut être comme nous, si c’est pas ridicule ! On veut absolument avoir le dernier téléphone à la mode parce que… parce que c’est la mode.

Et tout le monde nous persuade qu’il nous le faut absolument. A commencer par le meilleur ami qui, lui, l’a acheté, et qui ne tarit pas d’éloges sur ce truc, et qui vous montre comment ça fonctionne, et tout ce qu’on peut faire avec, etc.

OK, j’avoue, j’ai un Iphone. Mais pas le dernier.

Vous n’êtes pas saoûlés, vous, du matraquage publicitaire qui nous ferait acheter jusqu’à la Tour Eiffel si on nous persuadait que c’est indispensable dans le regard de l’autre ?

Vous allez voir, cet automne – ça commence déjà – ils et elles vont toutes et tous s’habiller en militaire jusqu’à friser le ridicule, simplement parce que tout le monde le fait. Simplement parce que le regard de l’autre importe plus que notre propre dignité. 

Quand St Jacques nous dit, dans la deuxième lecture, que nos richesses sont pourries, c’est de ces artifices-là dont il parle. Alors que notre dignité, elle, est une vraie richesse.

L’argent fait-il le bonheur ? On sait bien que non, même si c’est plus facile d’en avoir que de ne pas en avoir du tout, évidemment.

La plupart des gens qui gagnent de très grosses sommes à la Loterie sont malheureux, ensuite. Pourtant tout le monde joue. – Non, là j’avoue pas moi. Mais beaucoup de gens jouent.

Et en matière d’argent et de richesses… on approche gentiment de la période où les magasins vont nous faire leurs vitrines de Noël, chaque année un peu plus tôt. Vous verrez qu’un jour on aura des vitrines de Noël en septembre.

Et les enfants vont avoir les yeux qui brillent devant les vitrines et les catalogues – et certains grands enfants aussi – devant l’objet ou le jeu qu’il faut absolument cette année.

Quand l’Evangile nous parle de ceux qui entraîneront la chute d’un seul de ces plus petits, c’est aussi de certains commerçants sans vergogne pour nos enfants dont il parle. OK, c’est le jeu du commerce. Mais y a des limites à la tentation qu’on inflige à nos enfants !

Et Jésus utilise des images extraordinairement fortes : si ton oeil t’entraîne au péché, arrache-le ! Si ta main t’entraîne au péché, coupe-la !

Jésus serait-il devenu un de ces tarés qui coupent la main des voleurs, dans certains pays, ces temps ?

Non… C’est une IMAGE bien sûr.

Et le décodeur de cette image se trouve dans la première lecture, celle du livre des Nombres que nous avons entendu tout à l’heure.

Rappelez-vous, il y a là Moïse qui fait tout comme il faut, et puis il y en a deux, aux noms bizarres, Eldad et Médad – j’y reviendrai – qui sont des inconnus et qui veulent faire la même chose au nom de Dieu.

Croyez-vous qu’on les remercie, qu’on trouve ça bien ?

Vous avez entendu l’histoire : les autres viennent vite dénoncer cela à Moïse : « Dis-donc, il y a là deux gars qui veulent faire la même chose que toi, il faut les arrêter tout de suite ! »

Et que dit Moïse ?

« Serais-tu jaloux pour moi ? »

…

« Serais-tu jaloux pour moi ? »…

Moïse a parfaitement repéré le problème. C’est le regard de l’autre. Le regard qui dénonce est mauvais. Il vient dire à Moïse ce qu’il doit penser.

Ça ne vous rappelle rien, dire à l’autre ce qu’il doit penser ? « Mais puisque je vous dis qu’il faut vous habiller en militaire cet automne, qu’il vous faut le nouvel Iphone 5… » Celui qui vient persuader l’autre de ce dont il a besoin, qui vient dire aux enfants ce qu’ils doivent recevoir cet hiver comme cadeau de Noël…

Le regard faussé. C’est de ce regard-là dont parle Jésus quand il nous dit : « Si ton oeil t’entraîne au péché, arrache-le. » Jésus vient nous dire : ne te laisse surtout pas embobiner par ton regard, et par ce que les autres te disent de penser ou de faire. Change ton regard, si nécessaire !

Si quelqu’un agit au nom de Dieu, laisse-le faire. Peut-être que Dieu passera au travers de lui. Mais ne laisse pas ton regard penser du mal de lui parce que d’autres te l’ont dénoncé.

Dieu t’a donné un regard pour te réjouir de l’autre, pas pour le jalouser. Dieu t’a donné un regard pour admirer l’autre, pas pour vouloir lui ressembler à tout prix. Dieu t’a donné un regard pour aimer.

Or les deux personnages dont on voudrait absolument que Moïse soit jaloux s’appellent Eldad et Médad. Et vous savez ce que cela veut dire, en hébreu, Eldad Médad ? « Dieu a donné l’Amour. » !!!

Dieu t’a donné un regard pour aimer…

Et le vrai bonheur, il est là. Pas dans toutes les richesses que tu peux accumuler, pas dans la mode de cet automne, pas dans un téléphone qui sera démodé dans six mois. Le vrai bonheur il est dans le fait de regarder l’autre avec Amour, tout simplement.

Eldad Médad… Dieu a donné l’Amour.

Je ne sais pas comment on dit Iphone en hébreu, mais ça m’étonnerait quand même que ça se dise de la même manière.

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Flanthey, 29 septembre 2012, 17.00

St Maurice-de-Laques, 30 septembre 2012, 10.30