Etrange Sainte Famille

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Homélie pour la Sainte Famille, année C

 

1Samuel 1,20-22.24-28  /  Psaume 83  /  1Jean 3,1-2,21-24 / Luc 2,41-52

 

> Une homélie n’est faite ni pour être lue ni pour être vue en vidéo, c’est un exercice oral. Vivez l’expérience pleinement en l’ECOUTANT :

 

 

 

Chers Amis,

 

Nous fêtons donc la Sainte Famille.

 

Je commence par vous poser deux questions :

–       D’abord est-ce que tout est normal dans votre famille ? Probablement que nous avons envie de répondre « oui », probablement qu’il faudrait nuancer… mais qu’est-ce que la normalité, au fond ?

–       Et puis la deuxième question : quelle serait votre définition du mot « famille » ? Et là je pense qu’on aurait de la peine à se mettre d’accord parce que c’est difficile de définir la famille…

 

D’abord il y a la question de savoir où on s’arrête… Est-ce qu’on englobe les cousins ? Et si oui, jusqu’à quel degré ? Parce que vous savez bien qu’en Valais, on est tous cousins. Est-ce qu’on englobe les ancêtres, et si oui jusqu’à quand ? Parce que si nous remontons jusqu’à Abraham, on est tous cousins…

 

Où s’arrête la notion de famille ?

 

Si vous avez lu le Nouvelliste hier – ce que j’espère puisque chaque samedi il contient une page « Eglises », c’est le seul quotidien de Suisse qui a cette particularité, on a beaucoup de chance ! – si vous avez lu cette page « Eglises » hier, vous savez de quoi je vais vous parler.

 

En hébreu, la langue de Jésus, il n’y a pas de mot qui corresponde à notre mot « famille ». On utilise en général le mot « maison ». Et ça dit quelque chose d’intéressant parce que, pour les Hébreux, une famille ce sont les gens qui habitent sous un même toit.

 

Et du coup, une famille qui accueillerait des réfugiés, par exemple, eh bien voilà que ces réfugiés sont de la famille.

 

A l’inverse, un jeune qui part de la maison pour se marier n’est PLUS de la famille, pour les Hébreux. Il fonde sa propre famille sous son nouveau toit. Ça ouvre des perspectives assez vertigineuses, quand on y pense…

 

Première constatation, donc, lors de cette fête de la Sainte Famille : une famille, dans la langue et dans la conception de Jésus, c’est pas forcément ce que nous mettons, nous, sous le concept « famille ».

 

Mais on peut aller plus loin. Parce que si vous lisez la Bible – vous savez le livre qui prend la poussière quelque part chez vous… non je suis vache ! – mais c’est intéressant de la lire, la Bible vous savez, si vous lisez la Bible vous découvrirez qu’il n’y a pas une seule famille « normale » dans la Bible.

 

Et si vous lisez les premières pages de la Bible, vous verrez que la première fois qu’on nous parle de liens familiaux, c’est pour parler de deux frères, Abel et Caïn, et pour dire que l’un a tué l’autre.

 

Comme si, dès le début, la Bible voulait nous dire : vous avez le même sang, eh bien ça ne va pas être facile ! Et on sait bien que c’est vrai… sans aller jusqu’au meurtre de préférence !

 

On pourrait se dire : « Oui, mais ça, c’est les pages de l’Ancien Testament, mais avec la Sainte Famille, ça va mieux ! »

 

…Ah vous croyez ? Elle est étrange, cette Sainte Famille, quand on y réfléchit bien…

 

Eh oui, désolé, mais elle échappe un peu à nos bien-pensances, cette Sainte Famille !

 

Marie est enceinte alors qu’elle n’est que promise à Joseph, elle n’est pas encore mariée… et Joseph qui va devenir son mari n’est justement pas le père de l’enfant… excusez-moi mais on est exactement dans ce que critiquent les gens qui voudraient que toutes les familles soient « normales »…

 

La famille biblique « normale » n’existe pas ! Et ça nous rassure beaucoup parce que ça nous aide à apprivoiser les déchirures, les recompositions de nos familles. Les choses qui nous semblent à priori « anormales » et qui sont tout à fait normales aux yeux de Dieu, parce que c’est pas simple, une famille…

 

Prenez les textes qu’on a entendus aujourd’hui, justement ceux que l’Eglise a choisi pour célébrer la Sainte Famille.

 

Il y avait d’abord ce premier livre de Samuel. L’histoire du petit Samuel, on la connaît, en général, mais pas le début. Or nous avions le début.

 

Que se passe-t-il ? Anne, sa Maman, amène son fils au temple pour le présenter au Seigneur… et là, on se dit qu’on va assister à un baptême dans les règles – forcément puisque c’est dans la Bible ! – qu’il va y avoir toute sa famille, ça va être une belle célébration… eh bien pas du tout !

 

Vous l’avez entendu : Anne amène son fils au Temple… et qu’est-ce qu’elle fait ? Elle le laisse… puis elle repart.

 

Je ne sais pas si vous, votre maman vous a amenés ici, vous a laissés et est repartie… mais c’est pas tout à fait ce que l’on imagine normalement d’une maman !

 

Anne a décidé de consacrer son fils au Seigneur. Et elle le laisse au Temple.

 

Elle le « prête », disent certaines traductions… ça reste une maman, quand même, hein ! Son fils est aussi à elle, il n’est pas qu’à Dieu.

 

Ça c’est aussi ce que dit ma maman ! Le 25 au soir, elle m’a dit : « Tu sais, je suis heureuse que tu sois prêtre mais… c’est difficile de ne t’avoir que quelques heures avec nous et que tu doives repartir tout de suite pour tes paroissiens ! » Je la comprends, mais elle est heureuse quand même et elle me l’a dit.

 

Alors quand j’entends des mamans d’ici ou d’ailleurs dire « Oh vous savez, nous, on prie pour les vocations, hein ! On sait qu’il n’y a pas assez de prêtres, alors nous on prie, hein, c’est important qu’il y ait des prêtres ! …Mais pas chez moi, hein ! Pas dans mes enfants ! Ah non, ah non, ah non ! ça on n’en veut pas, hein ! Pas de ça chez moi ! Mais on prie, hein, vous savez, c’est important ! »

 

Eh bien je me dis que si vous êtes obligés de supporter un curé genevois, ou des polonais, ou des africains, c’est peut-être à force de prier pour qu’il y ait des prêtres « mais pas dans ma famille à moi… »

 

Je dis ça, je dis rien, hein. Mais moi, ça me donne à réfléchir.

 

Si vous continuez les lectures d’aujourd’hui, il y avait le psaume. Et alors le psaume parlait de la famille de Jacob. Je ne sais pas si vous avez l’histoire en tête, mais la famille de Jacob c’est très-très loin d’être une famille qui suit un long fleuve tranquille, dirons-nous.

 

Il n’y a que des problèmes, dans cette famille, et notamment des problèmes d’héritage. Ah… ça on connaît bien ! Enfin je ne sais pas vous mais dans la plupart des familles que je connais, y compris dans la mienne, il y a des problèmes d’héritage. C’est comme si la Bible voulait nous dire : « Il y a des problèmes liés aux héritages, dans ta famille ? Peut-être qu’elle est normale, alors… Parce que nous aussi, on en a eus… »

 

Et puis l’Evangile ! L’Evangile qui parlait quand même d’une fugue de Jésus ! C’est cet Evangile-là qu’on a choisi pour la Sainte Famille !

 

Jésus qui fugue ou ses parents qui l’oublient, ça dépend comment on voit l’histoire… Mais enfin, de toutes façons, on est assez loin de la famille qu’on imaginerait « parfaite »… L’ado qui fait une fugue ou ses parents qui l’oublient sur une aire d’autoroute, c’est pas tout à fait le modèle familial qu’on dessinerait si on nous demandait la famille idéale…

 

Et là, on n’est plus chez Abel, Caïn ou Jacob, hein, on est chez Jésus !

 

Comme si la Bible voulait nous dire : « A nous aussi c’est arrivé ! Nous aussi, on a eu des problèmes ! Chez nous non plus ça n’a pas été facile ! »

 

Et d’ailleurs Marie le dit, vous l’avez entendu : « Pourquoi nous as-tu fait cela ? »

 

La clé de tout ça, chers Amis, elle était dans la deuxième lecture, je crois. Cette lettre de Jean qui nous rappelle que l’important, quelle que soit notre famille, quelles que soient ses déchirures, ses recompositions, l’important c’est qu’il y ait de l’Amour.

 

C’est ça, le plus important, disait Jean. De nous aimer les uns les autres. Ça, c’est essentiel dans une famille.

 

Y compris dans la famille des paroissiens… nous sommes sous le même toit, je vous signale ! Nous sommes donc une famille lorsque nous célébrons ensemble. C’est l’amour qui crée ou non une famille.

 

Alors, chers Amis, peu importent nos conflits, nos déchirures, nos disputes… Comme le disait la petite Antigone : « C’est plein de disputes, un bonheur ! ».

 

Eh oui ! Et c’est un bonheur tout de même, si on y met de l’Amour, si on y met Dieu aussi. Les deux valeurs de la deuxième lecture.

 

Parce que Dieu va venir par-dessus tout cela, en nous disant : « Tu croyais qu’elle serait normale, ta famille ? Mais c’est mal connaître la vie, mon pauvre ami ! Mais si tu y mets de l’Amour, et si tu m’y laisses une place, alors elle sera belle ! Vous vivrez de belles choses, de grandes choses ! ».

 

Vous voyez… avec Dieu, rien ne se résume à la théorie ou à la « normalité »…

 

Alors je vous repose la question :

 

–       C’est quoi, la définition d’une famille pour vous, maintenant ?

 

Et puis je vous repose la deuxième question :

 

–       Dans votre famille à vous, tout est vraiment « normal » ?

 

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Riod, samedi 29 décembre 2018, 17.00

Vex, samedi 29 décembre 2018, 18.30

Hérémence, dimanche 30 décembre 2018, 9.00

Evolène, dimanche 30 décembre 2018, 10.30 (version enregistrée)

Euseigne, dimanche 30 décembre 2018, 18,00

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