De si actuelles tentations…

Classé dans : Bible, Carême, Homélies | 0
Imprimer
Photo libre de droits : pixabay

 

Homélie pour le 1er dimanche de Carême, C

Deutéronome 26,4-10 / Psaume 10, 8-13 / Romains 10, 8, 10-13 / Luc 4, 1-13

 

> Une homélie n’est faite ni pour être lue ni pour être vue en vidéo, c’est un exercice oral. Vivez l’expérience pleinement en l’ECOUTANT :

 

Vous l’avez compris, depuis quelques heures et quelques jours, j’aime particulièrement ce récit des tentations de Jésus que nous venons de ré-entendre dans l’Evangile de Luc.

Et dans cette nouvelle traduction liturgique qui nous donne encore un petit plus par rapport à ce que nous avons vu ces dernières heures puisque dans la nouvelle manière de proclamer cet Evangile on dit que c’est DANS L’ESPRIT que Jésus est au désert.

J’aime beaucoup cette histoire que nous avons travaillée ensemble, d’abord parce que cela montre le côté inouï de notre foi : Dieu s’est incarné. Il s’est fait l’un de nous pleinement au point d’être lui aussi tenté comme nous le sommes.

Pensez-y un instant… pour nous, c’est une évidence. Mais dites cela à un Musulman, à un Juif, à un Bouddhiste, à un Hindouiste, c’est IM-PEN-SABLE ! Dieu ne peut pas être tenté !

Pour nous, oui, il est allé jusque-là, pour nous rejoindre dans l’humanité de notre vie, dans le quotidien de notre chemin. Nous avons un Dieu qui est présent. Nous avons un Dieu qui est en lui-même une actualisation !

Ça vient donner quelques couleurs à notre propre tableau de vie. Parce que nos tentations à nous se trouvent éclairées d’une certaine manière par ce qu’a vécu Jésus.

Les trois que propose le Tentateur nous sont bien connues dans l’aujourd’hui de nos vies :

–       Le pouvoir de changer des objets de nature, des pierres en pain par exemple, mais c’est bien sûr la tentation, nous le voyions hier, de posséder ce que nous n’aurons jamais. L’herbe étant toujours plus verte dans le pré du voisin, nous le savons bien. Cette tentation qui porte un autre nom : la jalousie…

–       La gloire, la deuxième tentation chez Luc… La gloire des royaumes… Elle vomit de nos petits écrans, de nos magazines, de nos manchettes de journaux, la gloire du tentateur, c’est celle du monde… C’est le star-system, le côté people…

–       Et puis le pouvoir d’être immortel ou du moins invincible, se jeter du haut du temple… Nous aimerions tellement repousser les frontières de notre enveloppe corporelle, en décupler les possibilités, les facultés, jouer avec le corps humain comme un sorcier dans son laboratoire… elle est terriblement actuelle, cette troisième tentation.

Continuons la méditation sur ces tentations.

Changer les pierres en pain, c’est-à-dire ne pas se contenter des choses telles qu’elles sont, vouloir avoir ce que nous n’aurons jamais… Un célèbre humoriste français – Patrick Sébastien (on aime ou on n’aime pas, hein…) – il a vécu quelques drames imposants dans sa vie. Et à la suite d’un de ces drames il a écrit dans un livre : « le bonheur c’est, je crois, d’être capable de se passer de ce que l’on n’a plus, de ce que l’on n’a pas et de ce que l’on n’aura jamais. »

…Le bonheur, je crois, c’est d’arriver à se passer de ce que l’on n’a plus, de ce que l’on n’a pas, de ce que l’on n’aura jamais…

Vous retrouvez cette phrase sur internet avec toutes sortes de signatures. Elle est de lui, à la base.

Et je crois que c’est une grande sagesse.

Se passe de ce que l’on n’a plus… tant de gens vivent dans le regret, dans le passé…

Se passer de ce que l’on n’a pas… l’herbe est plus verte chez le voisin, et alors ? J’ai aussi de l’herbe, chez moi…

Et se passer de ce que l’on n’aura jamais… au grand dam de la publicité qui voudrait nous persuader qu’on en a besoin… non, pas forcément.

Deuxième tentation : la gloire. Qui de nous n’a jamais frémi lorsqu’un jour on nous applaudissait, au hasard d’un concert de chœur, de fanfare, d’un discours de mariage ou que sais-je encore ? Et c’est un ancien comédien qui vous le dit. La gloire humaine a ceci de particulier qu’elle est justement très… humaine !

Ils me font rire ceux qui viennent vous dire « oh non, moi les applaudissements, ça me monte à la tête, vous savez… »

Mais bien sûr que si, ça fait plaisir, d’être applaudi. Evidemment ! Même si on est tous pareils, on a envie de se planquer sous la moquette, hein ! ça aussi, c’est humain. Mais bien sûr que ça fait frémir quelque chose en nous, c’est logique !

Mais ce n’est pas cela que le tentateur met à l’épreuve. C’est le fait de RECHERCHER cela, c’est autre chose. Le fait de rechercher la gloire pour soi.

J’ai eu jadis le privilège de rencontrer à deux reprises Sœur Emmanuelle, quand j’étais journaliste à la radio. Et tandis que je lui tendais mon micro, elle m’avait dit, comme elle le disait régulièrement : « Tu vois mon petit Vincent, il m’est arrivé un grand malheur ces dernières années, je suis devenue médiatique.» Elle était comme ça, Sœur Emmanuelle. Elle avait une belle conscience de ce que justement cette médiatisation était un grand malheur.

Ça l’entravait dans son souci des plus pauvres, dans sa mission. Elle était à l’épreuve, quand elle venait sur un plateau de télévision ou dans un studio de radio, elle n’aimait pas ça ! Mais elle me disait : « C’est un mal nécessaire. Il faut que je puisse parler de ce que je fais. » Eh oui… mais elle avait compris que la gloire… elle est ailleurs.

Et puis, troisième tentation : jette-toi en-bas du temple. Je vous le disais aussi : qui n’a jamais utilisé cette expression avec ses enfants : « Arrête de suivre tout ce qu’il te dit, ce copain… S’il te demande de te jeter en-bas de l’immeuble ou bien d’aller de jeter au Rhône, est-ce que tu vas le faire ? Non, bon, alors ! »

Le tentateur se fait souvent copain. Très souvent. Et quelle est cette tentation étrange ? Se jeter du haut du Temple ? Mais c’est se croire plus fort qu’on ne l’est, bien sûr. Se croire tout puissant comme Dieu. Se prendre pour Dieu.

Au début du Carême il n’est pas inutile de méditer à nouveau cette tentation-là. Ne nous croyons pas tout puissants, ne programmons pas des jeûnes impossibles à tenir !

Ne décidons pas de très bonnes, de trop bonnes résolutions qu’on ne tiendra pas, lors même qu’on n’a pas été capables de tenir celles que nous avons prises exactement il y a 69 jours, le 1er janvier.

Restons humains. Avançons à petits pas sur ce beau chemin de Carême.

Mangeons un peu moins plutôt que de supprimer d’emblée des repas entiers.

Apprenons à sourire aux gens que nous croisons dans nos rues tous les jours, avant de prévoir d’envoyer un chèque à des gens que nous ne connaissons pas à l’autre bout du monde. Même si c’est bien de le faire !

Jésus est futé lorsque le Diable lui propose ces trois tentations. Il répond – nous l’avons vu – par trois citations, par la Parole de Dieu. Le livre justement dont nous avons entendu un extrait dans la première lecture, et ce n’est pas un hasard.

Ce faisant, Jésus démontre au Diable qu’une fois de plus le tentateur est complètement à côté de la plaque. Et c’est pour ça qu’il ne doit pas nous faire peur. Il propose trois choses que Jésus a déjà… Mais oui !

Changer les pierres en pain… nous l’avons vu, mais Jésus change le pain en son propre corps. Il n’a pas besoin de cela !

Posséder les royaumes de la terre… mais Jésus possède le royaume des cieux…

Survivre à une chute du haut du temple… mais Jésus ressuscitera d’une crucifixion.

On a envie de dire au diable : « Mais mon pauvre ami, tu es dépassé… Nous avons bien plus, grâce à Dieu (pour utiliser cette expression dans un sens positif) Nous avons bien plus ! »

Et bonne nouvelle : nous aussi nous avons les trois, figurez-vous.

L’Eucharistie… pas besoin de changer les pierres en pain, on a beaucoup mieux à cette table !

Le Royaume des Cieux, mais par notre baptême nous sommes Rois de ce Royaume des Cieux que nous construisons ensemble !

La vie éternelle… pas besoin de se jeter du Temple pour savoir si on rebondit. On a la vie éternelle !

Et la petite voix du tentateur se fait souvent entendre en nos cœurs, tout de même. Comme nous devrions en rire si nous pensions seulement à ce que nous avons réellement ! Par rapport au catalogue de pacotilles qu’il nous propose.

Alors beau chemin, beau chemin de Carême à chacune et à chacun, en route avec Jésus, beau chemin de Carême un pas après l’autre, sans vouloir faire le grand-écart, cœur ouvert à l’imprévu de Dieu mais oreilles fermées aux tentations venues d’ici ou d’ailleurs.

___________________________________________

Foyer de Charité, Bex, dim. 10 mars 2019, 15.30

Imprimer

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.