De l’importance de dire « Merci… »

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Photo libre de droits : FLICKR, Frédéric BISSON

 

Homélie pour le 28e dimanche TO, année C

2Rois 5,14-17 / Psaume 97 / 2Timothée 2,8-13 / Luc 17, 11-19

 

> Une homélie n’est faite ni pour être lue ni pour être vue en vidéo, c’est un exercice oral. Vivez l’expérience pleinement en l’ECOUTANT :

 

Chers Amis,

 

Y en a-t-il parmi vous qui connaissent la ville de Paris ?… oh oui, il y en a quelques-uns !

Comme votre curé Jean-Marc, pour ma part j’y suis souvent allé et j’y retourne régulièrement, j’y avais de la famille jadis et j’y ai encore aujourd’hui beaucoup d’amis.

Mais connaissez-vous la différence entre les bourgades de notre région et Paris – mise à part la taille, bien sûr ? Il y a une autre différence essentielle ! Il y a deux mots qu’à Paris, dans cette ville de fous, on ne connaît pas : « Bonjour » et « Merci ».

Je suis un peu dur pour les Parisiens, s’il y en a parmi vous !

Mais c’est vrai : si vous dites bonjour aux gens dans la rue, comme on le fait ici, dans le village, au mieux on vous prendra pour un demeuré, au pire vous risquez même un mauvais coup, hein !

–       Bonjour !

–       C’est qui, celui-là ? Qu’est-ce que tu me veux, toi ? Tu veux te battre ?

–       Je voulais juste vous dire bonjour, Monsieur…

–       Abruti, va !

Je n’ai pas changé un mot, c’est du vécu.

Et dans le métro, je ne vous raconte pas ! Là vous risquez carrément le coup de couteau si vous souriez à quelqu’un… Remarquez, il faudrait déjà arriver à croiser un regard dans le métro, parce que tout le monde est sur son téléphone …

Et puis alors « Merci »… Essayez de laisser traverser quelqu’un, en voiture, au passage piéton à Paris, vous n’aurez même pas un regard. Par contre, vous aurez un coup de klaxon derrière vous, ça c’est certain.

Une fois quelqu’un à qui je racontais cela m’a rétorqué que c’était tout à fait logique qu’ils ne fassent pas de geste pour dire « merci » parce que c’est NORMAL de laisser traverser quelqu’un, c’est la LOI.

Effectivement, c’est la loi, c’est normal, c’est la norme. C’est normal de laisser traverser quelqu’un, mais cela n’empêche pas de dire « merci ». Ce n’est pas parce que c’est « normal » que ça INTERDIT de remercier !

Et peu à peu, Chers Amis, on glisse dans cette conception fausse du remerciement et de la normalité. On ne remercie plus lorsque c’est normal.

…La caissière du supermarché fait son travail poliment ? C’est normal.

…Le serveur du restaurant nous a bien servis ? C’est normal.

…Le chirurgien vous a bien opéré, vous êtes guéri ? Ben encore heureux ! C’est normal. C’est son métier !

…Le prêtre est là pour la messe ? C’est normal, il est payé pour cela !

Par contre, s’il y a UN SEUL défaut dans l’attitude de la caissière, du serveur, du chirurgien, même du prêtre, on va râler.

Ça, on sait faire, en général. Et si possible on va râler au-dessus… On va appeler le gérant du supermarché, le directeur du restaurant, le chef du département de la santé, on va écrire à l’évêque.

Mais si tout va bien, c’est normal. Pourquoi est-ce que je dirais « merci », hein ? C’est normal, il fait son travail… Gardez tout cela au chaud dans votre esprit, j’y reviens dans un instant…

Parce que figurez-vous que tous les textes que nous avons entendus parlaient de tout cela. Alors là je vous entends penser et vous dire : « J’ai bien écouté les textes, il ne m’a pas semblé entendre une histoire de passage-piétons parisiens… Vous aurez raison, ce n’était pas dedans !

Mais dans la première lecture, le livre des Rois, autant que dans l’Evangile de Luc, nous avions des guérisons. On se rapproche déjà de mon exemple de chirurgien. Nous avions des guérisons, des guérisons de lépreux. Celle de Naaman, le général syrien, dans la première lecture, et puis celle des dix lépreux de Samarie et de Galilée dans l’Evangile de Luc.

Là il ne s’agit plus du tout de quelque chose de « normal ». Retrouver une peau de bébé après avoir été lépreux c’est même de l’ordre du miraculeux, clairement.

Naaman, le général syrien, l’a parfaitement compris dans le second livre des Rois. Il revient, vous l’avez entendu, et il veut absolument donner un cadeau, même, au prophète Elisée. Il a compris que sa guérison vient de plus haut, qu’elle est miraculeuse, qu’elle vient d’une force d’en-haut.

Mais vous avez entendu l’attitude des dix lépreux, dans l’Evangile. Elle n’est pas tout à fait identique… Un seul revient pour dire « merci » à Jésus. Un seul, sur dix. Et en plus c’est celui qui était étranger. Les neuf autres, plus de nouvelles !

Qu’essaie de nous dire Jésus par cette anecdote, cette histoire ? Peut-être en tout cas nous aider, Chers Amis, à dire « Merci ». Et même à faire demi-tour, à revenir sur nos pas pour dire « merci » comme le fait le dixième lépreux.

Et pas seulement à ceux qui sont autour de nous, c’est facile de dire « merci » à ceux qui sont autour de nous, qui vivent avec nous. Quoique… on n’y pense pas toujours non plus…

Mais « merci » à Dieu, aussi, pour ce qu’il y a de bien dans nos vies. Parce que pour râler quand ça ne va pas, contre Dieu il y a du monde. Mais pour lui dire « merci », c’est moins systématique !

Et pourtant, c’est ce que nous enseigne le pape François. La prière qu’il enseigne aux enfants est valable pour les adultes aussi : « A la fin de ta journée, trois mots : ‘Merci ! Pardon ! S’il te plaît !’ » Et « merci » est premier : pourquoi est-ce que j’ai envie de dire « merci » à la fin de ma journée ? Ensuite vient : pourquoi est-ce que j’ai envie de demander pardon ? Et : pour qui est-ce que j’ai envie de prier – s’il te plaît ? Mais « Merci » est premier.

Et je m’interroge, Chers Amis… Nous avons tous nos lèpres. Alors elles se voient moins que la maladie qui porte ce nom-là. Elles sont intérieures. Mais nous avons tous nos lèpres.

Le jugement d’autrui, la jalousie, l’envie, les pensées impures qui veulent posséder l’autre plutôt que de contempler sa beauté sans y toucher… Nous avons tous nos lèpres intérieures. Et elles sont beaucoup plus vicieuses parce qu’elles ne se voient pas, celles-là. Quand ça se voit, on a envie que ça guérisse. Quand ça ne se voit pas… ça peut rester… ça ne se voit pas. Vous voyez, c’est plus tordu !

Tout ce qui se passe dans nos têtes, dans nos cœurs et qui n’est pas bien propre, c’est une forme de lèpre intérieure. Et je ne suis pas meilleur que vous, chassez de votre esprit cette illusion-là ! Le Christ a appelé auprès de lui les plus pécheurs, c’est encore valable aujourd’hui pour les prêtres !

Si nous demandons quelque chose avec Foi, si nous demandons avec force, en y croyant du plus profond de notre cœur, alors Dieu nous aide et nous guérit de ces lèpres-là. Il nous aide à les combattre, à retrouver non pas une peau de bébé mais un cœur pur.

Et c’est la Foi qui nous sauve, dans ce cas-là.

C’est la parole que Jésus disait à l’ancien lépreux : « Va, c’est ta Foi qui t’a sauvé », sous-entendu : « Ce n’est pas moi, c’est toi qui t’es sauvé toi-même, par ta Foi ! ».

Et il nous le dit, à chacun de nous. C’est la Foi qui peut nous guérir de tout cela, il faut y croire.

Mais savons-nous remercier, ensuite ?

Eh bien oui ! Vous savez remercier puisque vous êtes là ce matin. Et vous le savez peut-être, « Eucharistie » en grec, ça veut précisément dire « Merci » !  Ça veut dire  « rendre grâce, action de grâce » c’est-à-dire « Merci ».

Vous êtes venus participer à un « Merci » ! Chaque messe, chaque eucharistie, c’est un « Merci » que l’on dit à Dieu.

Et cette petite hostie que nous pourrons prendre tout à l’heure est capable de guérir nos lèpres intérieures, si nous la recevons avec Foi.

Alors sachons dire « Merci », chers Amis…

Et en ce mois extraordinaire de la mission qu’a voulu notre pape François, c’est aussi, je crois, une des missions qui nous est confiée : de savoir répandre la gratitude autour de nous dans un monde qui en manque cruellement.

Alors vous me direz que c’est aux Parisiens que je devrais dire ça lors de mon prochain passage…

Mais je ne sais pas pourquoi, il me semble que chez nous… chez nous où l’on sait parfaitement dire « bonjour » et « merci » dans la rue, on a quand même parfois aussi ces attitudes qui font que certaines choses nous sont dues, que c’est normal, à commencer par la messe, qu’on n’a pas besoin de dire « merci », que nous oublions, nous aussi, parfois, de dire « merci ».

Alors sachons dire « merci », Chers Amis. Et à fortiori lorsque c’est quelque chose qui nous paraît… normal.

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Bex, samedi 12 octobre 2019, 18.00

Villars s/Ollon, dimanche 13 octobre 2019, 10.00 (version enregistrée)

La Luette, dimanche 13 octobre 2019, 18.30

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