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Homélie pour le 1er dimanche de l’Avent C
Jérémie 33,14-16 / Psaume 24 / 1Thessaloniciens 3,12-4,2 / Luc 21,25-36
> Une homélie n’est faite ni pour être lue ni pour être vue en vidéo, c’est un exercice oral. Vivez l’expérience pleinement en l’ECOUTANT :
Chers Amis,
Je vais commencer par une devinette. Savez-vous qui a dit la phrase suivante :
« C’est bien de chanter pour l’Ethiopie, c’est bien de chanter pour le Soudan, c’est bien d’envoyer des pompiers au Mexique, mais ce serait bien aussi qu’on ne s’occupe pas que des frontières extérieures mais qu’on puisse regarder aussi à l’intérieur. »
C’est-à-dire s’occuper des gens de chez nous qui ont besoin d’aide… savez-vous qui a dit cela ? Est-ce un élu d’extrême droite qui voudrait qu’on arrête de s’occuper des étrangers pour privilégier les gens de chez nous ? Est-ce un anti-réfugiés ? Un défenseur des frontières ?
Pas vraiment. C’est Coluche qui a dit cela, il y a 33 ans, le 27 septembre 85. C’était à la télévision, au « Jeu de la Vérité », un jeu dont les plus anciens se souviennent certainement.
Il a dit cela le jour-même où il annonce à la télévision la création des « Restos du Cœur ».
Laissez-moi vous redire cette phrase : « C’est bien de chanter pour l’Ethiopie, c’est bien de chanter pour le Soudan, c’est bien d’envoyer des pompiers au Mexique, mais ce serait bien aussi qu’on ne s’occupe pas que des frontières extérieures mais qu’on puisse regarder aussi à l’intérieur. »
Le Jeu de la Vérité, 27 septembre 85, vous pouvez chercher sur Internet… c’est à 14 minutes et 30 secondes exactement qu’il le dit.
Ça me touche doublement, ce truc-là. D’abord parce que le hasard – le hasard, comme disait Einstein, c’est le nom que prend Dieu quand il agit incognito – le hasard a voulu veut qu’il ait cela le 27 septembre 85.
Vous savez ce que c’est, le 27 septembre ? C’est la St Vincent de Paul. Outre le fait que ce soit mon saint-patron, c’est pas tellement ça qui est une coïncidence, c’est surtout parce que c’est St Vincent qui s’est occupé des plus pauvres, des gens qui dormaient dans la rue, qui n’avaient rien à manger. 400 ans auparavant. Quelle coïncidence que Coluche ait annoncé la création des Restos précisément ce jour-là…
Ensuite ça me touche parce que c’est vrai. C’est bien de s’occuper des gens de l’extérieur, mais c’est bien aussi de ne pas oublier ceux qui ont besoin de nous à l’intérieur.
Et si Coluche avait vécu en Suisse, ça l’aurait peut-être encore plus révolté qu’en France.
Parce qu’on le sait bien, ici aussi, au paradis des riches comme les autres le disent parfois, ici aussi il y a des gens qui n’ont pas de quoi manger, qui n’ont pas de quoi acheter un cadeau de Noël à leurs enfants, cette année, maintenant, aujourd’hui. Peut-être y en a-t-il parmi nous.
Mais chez nous c’est beaucoup plus tabou. Il y a une sorte de honte à être suisse ou à vivre en Suisse et à ne pas avoir de quoi vivre ou manger. Un sans-abri me le disait il y a peu de temps encore : « J’ai honte de demander », me disait-il.
Il y a une culture de la discrétion, dans notre pays, qui fait qu’on n’ose pas demander – de peur de déranger.
Il y a aussi – c’est plus embêtant – un préjugé très répandu dans notre pays qui laisse croire que si l’on n’a pas de quoi vivre en Suisse c’est qu’on n’est pas très bosseur ou qu’on n’a pas bien cherché.
Et ça, je l’ai entendu à la sortie d’une messe, sur le parvis d’une église. « Oh s’ils n’ont pas de quoi manger, c’est bien de leur faute… » disait cette dame, je ne dirai pas où par charité. Parce que c’est absolument scandaleux de dire cela quand on est chrétien. Elle venait de communier, en plus, cette dame…
Et Coluche, vous le savez sans doute, n’était ni croyant ni, à fortiori, pratiquant. En créant les « Restos du Cœur », il a fait un acte hautement chrétien, christique même. Il a fait un acte à la suite du Christ, lui qui n’était pas croyant. Il a créé les Restos du Cœur avec son propre argent, au départ. C’était son idée, il le disait aussi dans cette émission : « Puisque moi j’ai des sous, alors je dois donner pour ceux qui n’ont rien. »
Le scandale, c’est que 33 ans plus tard, les Restos existent toujours… alors qu’il les avait créés en se disant : « Pourvu qu’on n’en ait besoin qu’une année ou deux… après il y aura de la solidarité entre les gens, ils vont comprendre… »
Eh bien non. 33 ans plus tard, 130 millions de repas ont été distribués l’an dernier, 860’000 personnes ont été accueillies par les Restos dont 30’000 bébés.
Coluche doit en pleurer, de là où il est, certainement.
Il a fallu, il y a 33 ans, Chers Amis, que ce soit un homme du show-biz, athée, qui poursuive ce qu’avait fait un homme d’église, St Vincent, il y a 400 ans de cela. Ça dit quelque chose de nos communautés, hein…
Les textes que nous avons entendus – que vous nous avez bien lus, chers amis du MADEP – ces textes du début de l’Avent ont un fil rouge : la justice.
Parce que l’Avent est un temps où on attend la justice. La justice, pour nous, elle a un nom : Jésus. Mais la justice, la deuxième lecture le disait très bien, la justice on doit aussi la pratiquer entre nous. Le partage, c’est une des valeurs du temps de l’Avent.
Et la démarche de notre Eglise diocésaine qui nous propose toute cette année une phrase à méditer chaque mois, la démarche pour ce mois de décembre le dit bien : l’Eglise que nous aimons TRANSMET des valeurs, des enseignements. Elle transmet ce en quoi elle croit.
Eh bien transmettons l’amour de la justice, Chers Amis, en ce temps de l’Avent. Transmettons la justice entre nous, partageons avec ceux qui en ont besoin, qui en ont le plus besoin parmi nous. C’est ça, une communauté, aussi. Car non, chers Amis, non, la pauvreté ce n’est pas « bien fait » pour ceux qui l’auraient « bien cherchée » par je ne sais quelle paresse.
La déclaration universelle des droits de l’Homme, article 25 dit ceci : « Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être, ceux de sa famille, notamment par l’alimentation, l’habillement, le logement et les soins médicaux. »
TOUTE PERSONNE SUR LA TERRE A CE DROIT.
Faudrait peut-être le rappeler à nos assureurs maladie, aux gens qui spéculent sur le prix des loyers, à ceux qui augmentent le prix du moindre pullover soi-disant parce qu’il est aux couleurs de la mode cet hiver, à ceux qui disent devant quelqu’un qui réclame à manger : « oh, s’il n’a pas de quoi manger, c’est bien de sa faute… »
C’est un DROIT, d’avoir de quoi manger, s’habiller, se loger, se soigner. C’est un droit international, inaliénable, indiscutable. Et la Suisse a signé ce texte.
Mais VOUS, Chers Amis, vous contribuez à cela très régulièrement, vous ne vous rendez peut-être pas compte.
A chaque fois que vous donnez une messe, une intention de messe pour l’un de nos défunts, à chaque fois que vous donnez ces dix francs qu’on suggère pour une messe, à chaque fois vous partagez avec les plus pauvres.
Car les 5 premiers francs de la première intention vont au diocèse – pour partager avec les plus pauvres également – mais le reste va dans une caisse spéciale que chaque curé possède et dont il n’a le droit de prélever un seul centime ni pour lui ni pour quoi que ce soit dans la paroisse, quoi que ce soit d’autre que les pauvres de SON village, de SA paroisse, de SES paroisses quand on est comme moi et qu’on a plusieurs villages.
Et cet argent que je peux redistribuer autour de moi, c’est vous qui me l’offrez.
Alors je voudrais déjà vous dire MERCI pour toutes les intentions de messes que vous donnez. Merci de prier pour vos défunts parce qu’à travers cela, vous pouvez aider les plus pauvres et vous me permettez de le faire. Ceux qui en ont besoin ici, chez nous. Pas ceux de Madagascar ou d’Ethiopie ou de je ne sais où – il y a des quêtes pour cela. Mais ceux de notre village, ceux d’ici.
Seulement vous le savez aussi, c’est très difficile pour ces gens de venir demander.
Et ce n’est pas facile pour moi non plus de savoir, de deviner qui en a réellement besoin. Notamment en ce moment, au moment de Noël.
Certaines de nos communes jouent le jeu en m’indiquant discrètement quelques noms de personnes que nous pourrions aider au moment de Noël, mais ce n’est pas le cas partout, à cause de la loi figurez-vous ! Un président de commune m’a rappelé récemment que la loi sur la protection des données lui interdisait de me dire qui a besoin d’aide dans sa commune.
On croit rêver ! Là c’est Coluche ET St Vincent de Paul qui doivent se retourner ensemble dans leurs tombes respectives.
On a réussi à créer une loi qui nous empêche de savoir qui a besoin d’aide dans notre village, c’est d’une prodigieuse imbécillité !
Et c’est cette même loi qui m’interdit, vous le savez, de savoir qui est hospitalisé de ma paroisse.
Jadis, tous les mercredis, je descendais à l’hôpital, je demandais la liste d’Evolène, celle d’Hérémence, celle de Vex, et j’allais voir les gens de mes paroisses qui étaient à l’hôpital. Aujourd’hui, protection des données oblige, cela m’est interdit !
J’ai donc besoin de vous, parce que je ne peux pas deviner qui est à l’hôpital. Quand l’un de vous, l’un de vos proches est hospitalisé, s’il vous plaît, dites-le moi. Ça va me permettre d’aller voir cette personne. Sans quoi, ce qui m’est déjà arrivé plusieurs fois, cette personne remontera trois semaines plus tard et me dira : « Ah, vous êtes même pas venu me voir ! » Bah non, je le savais pas.
Et j’ai besoin de vous, de la même manière, pour savoir qui aurait besoin d’une aide en ce temps de Noël. Qui, autour de vous aurait besoin d’une petite rallonge pour payer une facture, pour avoir un peu plus de chauffage, pour faire un cadeau à ses enfants.
Alors je vous le demande, chers Amis, surtout ne relâchez pas votre effort ! Continuez de donner des messes pour vos défunts, cela me permet d’aider ceux qui en ont besoin.
Mais surtout aussi, indiquez-moi discrètement, un petit mot dans ma boîte aux lettres, un coup de fil, indiquez-moi discrètement quelqu’un que vous connaissez qui aurait bien besoin d’une petite aide en ce temps de Noël.
La communauté, ça sert à cela aussi. L’Eglise que nous aimons transmet… elle transmet aussi des informations qui peuvent être précieuses et utiles.
La devise de Coluche, avec ses Restos du Cœur, je la fais mienne ce matin : « On compte sur vous ! »
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Hérémence, 2 décembre 2018, 9.00
Evolène, 2 décembre 2018, 10.30
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