Cheveux tirés, gifle rendue

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Homélie pour le 7e dimanche TO, année A

Lévitique 19,1-2.17-18 / Psaume 102 / 1 Corinthiens 3,16-23 / Matthieu 5,38-48

 

NDLA : en raison d’un petit accident, l’abbé Vincent n’a pas prêché en 2020 le 7e dimanche. Voici une homélie faite il y a quelques années le même dimanche

 

Chers Amis,

Je m’adresse aux parents parmi vous, en cette messe des familles… mais les autres auront sûrement cette scène quelque part dans leur souvenir…

Vous êtes à la maison. La plus petite arrive en pleurs en hurlant que son grand frère lui a tiré les cheveux. Vous essayez de la consoler comme vous pouvez, tout en faisant les gros yeux au grand frère en question qui passe en rasant les murs.

Le grand frère vous indique tout de même qu’elle l’a bien cherché, que c’est elle qui a commencé en lui disant qu’il était rien qu’un gros nul.

Ça va, vous visualisez ?

La petite, à moitié consolée, repart dans la chambre. Une lueur bizarre brille dans ses yeux. Et quelques instants plus tard c’est le grand frère qui débarque en pleurant, affirmant que la petite soeur vient de lui casser un jouet.

Il ne prend pas le temps de se laisser consoler et dès que la petite soeur passe à sa portée, il lui flanque une gifle.

Ah ! la belle soirée qui s’annonce à la table familiale !

Ça vous revient ? Oh j’imagine que vous n’avez pas à aller chercher bien loin dans vos souvenirs. Même les grands-parents parmi vous!

On est dans l’escalade : à l’insulte on répond par les cheveux tirés, desquels on se venge par le fait de casser quelque chose, et la vengeance suivante est un coup, une gifle.

Et si on continue, on s’arrête où ??

C’est d’ailleurs souvent ce que disent alors les parents.

Au début de l’Ancien Testament, on en était exactement là. Tu m’as tué un mouton ? Je vais t’en tuer dix ! Et l’autre de revenir et d’en empoisonner 50, etc. Jusqu’au meurtre. Dans certains pays, encore aujourd’hui, on en est là.

La loi du Tallion dont parle Jésus dans l’Evangile fut déjà un immense progrès. On t’a tué un mouton ? Tu as le droit d’en tuer un chez l’autre. Un seul. On a tué un membre de ta famille ? Tu as le droit de te venger en tuant une personne dans la famille du meurtrier.

Dans bien des régions du monde on en est resté à cette étape. Les vendettas fonctionnent encore comme cela, par exemple.

Et en famille ça arrive. « Elle m’a cassé un jouet, je lui en casse un aussi. »

« Oui mais elle est plus petite, elle n’a pas fait exprès, tu ne peux pas réagir comme ça » disent alors les parents.

On sent bien que la loi du Tallion ne résout pas tout, loin de là.

Dès l’Ancien Testament, on trouve alors des formules qui vont faire mouche. Dans notre première lecture, le Lévitique, nous avions la phrase « Tu aimeras ton prochain comme toi-même. »

Je souris toujours en lisant ce passage, parce que j’ai en tête une personne, dans un camp biblique pourtant, qui disait « L’Ancien Testament ça m’intéresse pas, c’est que des violences et des guerres, je ne le lis jamais. Mais dans le Nouveau c’est autre chose !  ‘Aime ton prochain comme toi-même’, ça c’est une superbe phrase de Jésus !»

Je n’ai pas osé dire à cette personne que la phrase « Aime ton prochain comme toi-même » se trouve déjà dans l’Ancien Testament, au livre du Lévitique… Elle croyait tellement bien connaître la Bible que je n’ai pas voulu la décevoir.

L’Ancien Testament, chers Amis, prépare le Nouveau. Les deux sont toujours complémentaires, ils sont toujours à lire ensemble.

« Aime ton prochain comme toi-même », dans l’Ancien testament, c’est l’ébauche de la règle d’or que Jésus énoncera dans le Nouveau : « Fais à l’autre tout ce que tu voudrais qu’il fasse pour toi. Aimez-vous les uns les autres. » Et là on atteint un niveau supérieur.

Evidemment, quand Jésus va jusqu’à nous suggérer de tendre l’autre joue quand on reçoit une gifle, quand il va jusqu’à nous demander de prier pour nos ennemis, on a envie de lui dire : « T’es fou ou quoi ? »

Et vous aurez remarqué que c’est exactement ce que dit Paul dans la deuxième lecture, d’ailleurs : « Si quelqu’un parmi vous pense être un sage à la manière d’ici-bas, qu’il devienne fou pour devenir sage. Car la sagesse de ce monde est folie devant Dieu. »

Eh oui… Ce qui nous paraît sage est folie pour Dieu – genre épargner de l’argent par exemple – , et ce qui nous paraît fou est sagesse pour Dieu – genre prier pour ses ennemis.

Reste que bien sûr, vous n’allez pas aller dire cela à une caissière en plein braquage. « Il te menace avec son arme, ne résiste pas et dis-lui de tirer, présente-lui ton collègue en plus, ça lui fera une cible supplémentaire… » Evidemment Jésus ne nous appelle pas à cela, ce serait absolument ridicule. Mais ce petit épisode vient nous demander de nous dépasser, et de dépasser la haine lorsqu’elle survient.

Quand on a vraiment de la haine, quand on ne parvient pas à pardonner à quelqu’un qui nous a vraiment fait du mal, dépasser la haine c’est déjà ne pas souhaiter du mal à cette personne.

Et puis, sur le chemin du pardon, il y a toute une série d’étapes. On ne peut pas pardonner comme ça ! Une fois qu’on a réussi à ne plus souhaiter du mal à cette personne, on peut essayer de lui souhaiter du bien, qu’elle soit meilleure, que ce qu’elle nous a fait n’arrive pas à d’autres, que Dieu change son coeur.

Et on en arrive à demander à Dieu de lui pardonner. C’est toujours une étape intéressante, celle-là, et on l’oublie souvent. « Moi je n’arrive pas à lui pardonner, Seigneur, alors toi, pardonne-lui. » C’est une des plus belles prières que nous puissions faire, c’est cela parvenir à aimer ses ennemis.

Alors chers Amis, au prochain tirage de cheveux, au prochain jouet cassé, pensons-y. Et dans nos problèmes d’adultes aussi. Le monde ira mieux.

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Chermignon d’en Haut, samedi 22 février 2014, 18.30, messe des familles

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