Photo DR : cath.ch
Des amis réformés, dont un pasteur, m’ont appris tout récemment que l’on parle plus volontiers de “Passion” dans l’esprit protestant, que cela ne concerne que les derniers jours avant Pâques, et que le carême ne serait, en définitive, qu’un “truc catho même pas biblique”.
Ah bon? Sale coup pour le label “Oecumenica” décerné il y a quelques années aux campagnes conjointes de Pain pour le Prochain et d’Action de Carême!
Pas besoin de chercher bien loin pour apprendre que le temps du carême se vit depuis le IVe siècle, c’est quand même plus de mille ans avant que Dieu n’ait eu la bonne idée de faire naître Luther. Alexandre Schmemann, célèbre théologien orthodoxe, parle très joliment d’un “voyage spirituel dont la destination est Pâques”.
“Carême”, on le sait par son circonflexe, vient d’un mot latin qui comportait un ‘s’. C’est de “quadragesima” dont il s’agit. Un mot qui signifie “quarantième”.
Bibliquement, cela fait écho aux deux testaments de la Bible, dans lesquels une période de quarante jours est mise en scène: le Christ, dans le Nouveau Testament, passe quarante jours au désert, où il est tenté par Satan (ce qui dit quelque chose de nos tentations de carême, survenant dès le lendemain de nos prises de bonnes résolutions); et Moïse, lui, dans l’Ancien Testament, avant de recevoir les tables de la loi, a jeûné au désert pendant quarante jours et quarante nuits (oui, les chrétiens jeûnent aussi la nuit… ce sont les musulmans qui stoppent le jeûne chaque jour du ramadan au coucher du soleil).
“Aimer, c’est le sens de nos efforts de carême”
Mais on peut aussi voir les choses de façon un peu moins polémique et un peu plus poétique. Puisqu’en poésie tout est permis, on pourrait décréter que “carême” peut aussi s’écrire “car…aime”, on le voit d’ailleurs ici et là depuis quelques années, notamment sur les réseaux sociaux.
Aimer, c’est le sens de nos efforts de carême dans les trois directions classiques: le partage envers l’autre, le jeûne envers soi et la prière envers Dieu. C’est parce qu’on AIME notre prochain qu’on remplit nos petites pochettes bleues, c’est parce qu’on AIME notre corps qu’on lui propose tel ou tel jeûne, c’est parce qu’on AIME Dieu qu’on essaie de prier davantage à cette période. Le carême, en somme, non seulement parce que je le vaux bien, mais parce que Dieu et mon prochain le valent bien, eux aussi. Le carême… car on aime.
Et en ce sens, c’est très œcuménique finalement: quand la passion est là, c’est qu’on aime. Jusqu’à en mourir, parfois, sur une croix.
Vincent Lafargue | 12 mars 2018
Publié sur le site www.cath.ch
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