1er dimanche de Carême, année B
Gn 9,8-15 / Psaume 24 / 1P 3,18-22 / Marc 1,12-15
Ce soir, je vais écouter Gabrielle, une précieuse amie qui joue dans un festival de musique en montagne. Son groupe s’appelle Arco Iris, ça veut dire « arc-en-ciel » en espagnol.
Ce groupe s’appelle comme ça notamment parce qu’il rassemble des musiciens qui, normalement, ne devraient pas jouer ensemble. Des vilains garçons et de gentilles demoiselles. Une guitare électrique et un violoncelle. Une batterie qui tape très fort, et un violon alto. Etc.
Ensemble, ils font une musique. Et cette musique a une unité, une âme. On oublie la batterie, le violon, l’alto, la guitare électrique, le violoncelle. On n’entend plus que le tout.
Et l’arc-en-ciel c’est exactement cela. Les couleurs sont chacune si différentes. Comment dire au vert qu’il peut s’associer au rouge ? Comment suggérer à l’indigo de passer à l’orange ? Pourtant, lorsqu’on les fond bien ensemble, vous le savez, c’est du blanc que cela donne. De la lumière.
Et si les textes de ce début de Carême nous parlent d’arc-en-ciel, ce n’est pas par hasard. La Genèse nous rappelait tout à l’heure que l’arc-en-ciel est le signe de l’alliance avec Dieu, signe qui est apparu après le déluge à Noé, sur son arche. C’est le texte que nous avons entendu en première lecture.
Pierre, dans sa lettre, rappelait cette histoire dans notre deuxième lecture, et rappelait que les huit sauvés – coïncidence, sept couleurs de l’arc-en-ciel se fondent en une huitième, et il y a justement huit sauvés – Pierre nous rappelait que les huit sauvés étaient une image du baptême. Plongés dans l’eau pour vivre.
Nous aussi, nous avons été plongés dans l’eau du baptême pour en ressortir sauvés par Dieu.
Et justement regardez, l’évangile de ce soir commence par le baptême de Jésus, qui est tout de suite après poussé au désert. On nous dit qu’il y a résisté au démon, au diviseur.
Le diviseur, c’est justement celui qui regarde l’arc-en-ciel en n’y voyant que des couleurs qui ne s’accordent pas les unes avec les autres. Il veut les séparer, parce qu’elles sont différentes, et ne voit pas que prises ensemble, elles se fondent en lumière. Le diviseur c’est celui qui dit : « Quoi ? Un violoncelle et une batterie ? Mais c’est pas possible ! Ça doit être horrible ! »
Dans l’Evangile, le Christ nous appelle à nous convertir. En ce début de Carême, il est bon de repenser à cette image de l’arc-en-ciel et de la méditer.
Combien de fois voulons-nous exclure l’autre parce qu’il ne pense pas comme nous, parce qu’il a des idées qui ne sont pas les nôtres, parce qu’on n’est pas d’accord avec lui. Parce qu’il n’est pas de la même couleur. Couleur de peau, ou couleur d’arc-en-ciel… Parce qu’il ne joue pas du même instrument que nous…
Ce matin, j’ai fait un exploit. Je suis allé m’acheter des habits. Ça arrive à peu près toutes les morts de Pape, pour moi, de faire les magasins. Surtout un samedi.
Mais bon, je joue un spectacle demain, et il fallait absolument que je trouve ce que le metteur en scène souhaitait.
Et il m’a proposé, pour rire, un t-shirt ROSE. Je sais que c’est la mode, mais bon… ROSE, moi !!! Vous m’avez bien regardé ?? Le jour où vous me voyez avec du rose, ce sera pour Carnaval. Et encore !
Eh bien voyez-vous, ma réaction m’a fait réfléchir. Je rejetais une couleur comme n’étant absolument pas accordée à moi. Et je me suis demandé combien de fois je le faisais avec les couleurs des idées des gens.
Combien de fois je vois de l’orange en disant : ah non, ça vraiment pas. C’est pas moi. Je n’aime pas. Je ne SUPPORTE PAS telle couleur.
Ou bien avec deux couleurs : ah, non, ça, ça ne va vraiment pas ensemble. C’est mal assorti.
Et combien de fois le dit-on de deux personnes : elles sont mal assorties, elles ne vont pas ensemble. A fortiori dans une équipe. Pastorale, par exemple. Sans voir que sept personnes peuvent faire un arc-en-ciel.
Combien de fois, au fond, je ne suis pas ce signe de l’alliance qu’est l’arc-en-ciel, cette symphonie de l’arco iris de mon amie Gabrielle.
Si Dieu a choisi l’arc dans la nuée, l’arc-en-ciel, comme signe de l’alliance, faisons-en un signe pour ce début de Carême.
Peu importe la couleur de nos idées, n’excluons pas la couleur des idées de l’autre. Essayons plutôt de rassembler nos idées, au lieu de laisser le diviseur isoler nos couleurs.
Seulement l’arc-en-ciel ne se produit pas comme ça. Et vous savez les conditions qui doivent être réunies pour un arc-en-ciel…
Il faut de l’eau… tiens… on revient au baptême…
Mais surtout il faut un ciel sombre devant nous, et de la lumière venant de derrière nous.
Au fond, il faut savoir regarder les problèmes en face, affronter ce qui nous fait peur, et laisser illuminer tout cela par la lumière de Dieu. Alors se produit l’arc, dans la nuée. Alors l’arc-en-ciel devient le signe de l’Alliance.
Alors seulement, en choisissant la vie et la lumière, comme le Christ, nous serons nousmêmes, ensemble, un arc-en-ciel, un signe d’alliance pour le monde.
J’y repenserai ce soir, en écoutant la musique du groupe « Arco Iris ». Et je m’émerveillerai devant ces jeunes qui, une fois de plus, apprennent aux adultes que nous sommes comment faire alliance. Entre nous, et avec Dieu.
Monthey (Eglise), 25 février 2012 ; Monthey (Eglise), 26 février 2012
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