Une brebis genevoise

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Photomontage DR : I.Le Furvant
 

Homélie pour le 24e dimanche TO, année C

Exode 32,7-14 / Psaume 50 / 1 Timothée 1,12-17 / Luc 15, 1-32

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Chers Amis,

Permettez-moi, ce soir, d’être un peu plus personnel dans mon homélie. De vous parler un peu de l’homme que j’étais. Parce qu’à chaque fois que je ré-entends ces textes, il me semble voir devant moi un miroir. A chaque fois que je relis la première lettre de Paul à Timothée, qu’on avait en deuxième lecture, je vois en miroir l’homme que j’étais il y a quinze ans. Non, d’ailleurs, non… le gamin que j’étais il y a quinze ans. Oh j’avais déjà bien plus de 18 ans, mais j’étais encore un gamin ! Je vous relis la phrase : « Moi qui, autrefois, ne savais que blasphémer, persécuter, insulter»

C’était assez moi, je vous assure. Vis à vis de mes semblables, j’étais toujours plus prompt à juger, à regarder ce qui n’allait pas chez l’autre, en me croyant meilleur bien sûr, à le lui dire parce qu’avec ma grande gueule de Genevois, vous voyez comment…

D’accord, ça m’arrive encore, le Seigneur n’a pas tout à fait réussi à me transformer comme il l’aurait voulu, ça prend toute une vie. Pourtant je peux vous dire qu’il fait des efforts !

Vis à vis du Grand Patron, là-haut, j’entretenais des rapports assez conflictuels. J’étais plus souvent là – pardonnez-moi l’expression – pour l’engueuler plutôt que pour lui dire merci.

Quant au Veau d’Or de l’Exode, je vivais, vous le savez, dans le monde des artistes. C’est un milieu où on ne gagne pas forcément des mille et des cents, mais où le clinquant, l’apparence, compte énormément. Trop, beaucoup trop.

Le Veau d’Or des artistes, c’est leur propre égo. On l’érige en statue sur laquelle on n’en finit pas d’ajouter des couches d’or. J’ai vécu cela, mes amis de l’époque – dont certains me supportent encore aujourd’hui – vous le diraient bien mieux que je ne saurais le faire.

Un jour j’ai dit au Seigneur les mots du psaume que nous avons entendu ce soir. Je les ai dits par l’intermédiaire de mon père spirituel, et dans une confession générale. Ces mots qui disent « Pitié pour moi, mon Dieu, dans ton amour, selon ta grande miséricorde efface mon péché, lave-moi tout entier de ma faute, purifie-moi… Crée en moi un cœur pur… Seigneur, ouvre mes lèvres et ma bouche annoncera ta louange. »

Pour un Genevois, demander au Seigneur d’ouvrir mes lèvres c’était quand même un peu gonflé j’avoue…

Mais j’ai peu à peu compris que c’était des lèvres de mon coeur qu’il s’agissait. C’était celles-là qu’il devait m’ouvrir pour que ma bouche annonce sa louange. Et y avait du boulot…Et y a ENCORE du boulot, je vous assure !

Et aujourd’hui, je suis dans cette joie, que nous avons chantée tout à l’heure, qui transparaissait aussi des lectures. Je suis dans la joie, comme le chante un groupe de rock chrétien. Je suis dans la joie, je suis dans l’allégresse, dans la gratitude, car mon Dieu m’a libéré !

Et je vous relis la suite de la lettre de Paul à Timothée, qu’on a entendue : « je suis plein de reconnaissance pour celui qui me donne la force, Jésus-Christ notre Seigneur, car il me fait confiance en me chargeant du ministère. »

Il me fait confiance en me chargeant du ministère… Chaque fois, je vois cela dans un miroir : c’est vrai, au fond… Le Seigneur a fait de moi un prêtre, il me fait confiance.

Et il m’arrive encore souvent de lui demander, dans ma prière : « Pourquoi moi. Seigneur ? J’étais l’un des pires, un de ceux qui ne venaient jamais à l’église sinon pour te hurler dessus, quand il n’y avait personne. Pourquoi moi ? Je ne comprends pas! Pourquoi m’as tu demandé d’annoncer ta bonne nouvelle ? Pourquoi as-tu fais de moi un de tes serviteurs ? Pourquoi moi, Seigneur ? »

Et je relis la suite de Paul : « Voici une parole sûre, disait le texte : le Christ Jésus est venu dans le monde pour sauver les pécheurs, et moi le premier, je suis pécheur, mais si le Christ m’a pardonné, c’est pour que je sois le premier exemple de ceux qui croiraient en lui pour la vie éternelle. »

S’il a pardonné à Paul qui persécutait les Chrétiens, sûrement a-t-il pardonné aussi au Genevois imbu de lui-même qui rentrait dans les églises pour lui demander des comptes ?

Il a dû se dire que, comme j’avais une grande gueule pour le critiquer, elle pouvait aussi servir à le louer, tant qu’à faire ! Tout en restant une grande, d’ailleurs. C’est un peu la spécialité du Seigneur, il va chercher les pires, les plus perdus, et il fait de nos défauts des choses qui peuvent le glorifier.

Et en pensant qu’il va chercher les plus perdus, je me mets à relire l’Evangile d’aujourd’hui. L’histoire de la brebis perdue.

On a souvent envie de voir la brebis perdue comme celle qui est en dehors de nous. Vous savez, celle qui n’est pas à la messe ce soir, par exemple…

Le mouton noir, sans référence aucune à la politique, hein. Pas de politique à l’église. L’autre, là, celui qui va pas bien, celui qui ne suit pas le chemin qu’on suit nous. Pour nous, ce soir, la brebis perdue c’est… les bancs vides, ceux qui ne sont pas là… Celui qui ne suit pas les règles.

Mais en relisant tous ces textes, j’ai compris que la brebis perdue, c’était moi ! C’est moi qu’il a pris tant de peine à venir rechercher au fond du ravin où je me complaisais. Et avec moi tellement d’autres. Peut-être vous, aussi…

Chacun de nous peut éventuellement se dire ceci : et si la brebis perdue qu’il a mis tant de temps à chercher, c’était moi, par hasard ?

Alors Seigneur, j’aimerais te dire MERCI. Je suis dans la joie, la gratitude. Parce que tu m’as relevé, tu es venu me rechercher, ouvrir les lèvres de mon coeur pour que ma bouche puisse vraiment proclamer ta louange.

A mon tour, Seigneur, d’aller chercher quelques brebis perdues.

Certaines se trouvent peut-être ici, d’autres se trouvent ailleurs. Les prêtres ne vont pas qu’à l’église ! Certaines se trouvent sur Internet où j’aime aller proclamer la Bonne Nouvelle.

L’important ce n’est plus de me mettre moi en avant, comme à l’époque. L’important c’est de leur dire, à ces brebis, que moi aussi je suis une brebis perdue, et que j’ai juste envie de nous laisser sauver par celui qui peut tout.

Moi, Seigneur, qui ai tant de fois essayé de me mettre en avant, aujourd’hui c’est juste le ciel que j’essaie de montrer. …Quand on montre le ciel, y a toujours des gens qui continuent de regarder le doigt…, mais tant pis, j’essaie de montrer le ciel, de te louer Seigneur, ce que tu m’as demandé de faire, avec mon doigt de comédien, et avec ma grande gueule que j’aurai toujours, je le crains, mais que tu sauras dompter mieux que moi.

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Vex, samedi 10 septembre 2016, 18.30 (version enregistrée)

et dans une version légèrement différente :

Chermignon d’en Bas, 15 septembre 2013, 9.00

Crételles, dimanche 15 septembre 2013, 10.30

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3 Responses

  1. Lacomme

    Eh bien!… Quelle homélie!…Porteuse!…

    Elle transperce le coeur!… ML Béarn

  2. BAEHLER MARIANNE

    toujours un immense bonheur à entendre les Paroles qui mettent en route , surtout par une « grande gueule de Genevois »…j’en vies aussi ! Mais je crois que la montagne et …l’âge m’ont beaucoup calmée.
    Bien amicalement, Marianne

    • Vincent Lafargue

      MERCI chère Marianne…

      C’est aussi pour cela que je me suis exilé à la montagne, en attendant que l’âge achève ce qu’elle a déjà commencé…

      V.

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